C'est entendu.

samedi 23 avril 2011

Swing Spleen #-6

par Bertrand Bruche
art par Jarvis Glasses


La double personnalité de Bojan Z(ulfikarpasic)


La musique de Bojan Zulfikarpasic, plus connu sous le nom Bojan Z, est à double facette. Tantôt complexe et perturbante, à l’image de son nom complet (imprononçable pour qui ne fait pas un effort), tantôt aussi simple que le diminutif qu’il choisira en s’installant en France, sans doute pour nous faciliter la vie. Arrivé dans l'Hexagone en 1988 après avoir parfait sa formation aux USA, ce pianiste d’origine Serbe est depuis devenu une icône incontournable du jazz français.

Poseur...

Apprécier la musique de Bojan Z réclame d’accepter qu’il vous fasse tourner en bourrique. En effet, quand Bojan est Zulfikarpasic, il semble prendre plaisir à vous perdre, vous égarer, avec des mélodies et des figures rythmiques que l’oreille, si aiguisée puisse-t-elle être, a parfois du mal à saisir. Un peu déboussolé, on se fait ainsi balader jusqu’à ce que Bojan redevienne Z et plus compréhensible. Et c’est presque toujours comme ça ! Après un jeu de gammes avec nos oreilles, survient soudain un passage où tout semble limpide, aller de soi. La sensation n’en est que meilleure et, retrouvant tout à coup nos repères, on a l’espace d’un instant l’impression d’être doté d’une omniscience musicale.



(The Joker)

The Joker extrait de l’album "Transpacifik" (2003) en est sans doute l'un des exemples les plus criants. Le riff d’entrée au piano semble annoncer la couleur : Bojan se sent Zulfikarpasic. Pourtant simple de prime abord, ce piano semble flotter au-dessus du merveilleux solo de batterie de Nasheet Waits. Les plus téméraires tenteront de taper du pied et se retrouveront souvent paumés après quelques mesures (du vécu). Pourtant, aux environs des deux minutes et vingt secondes, Bojan Z est de retour. On commence à comprendre, on aurait presque envie de taper dans les mains. Comme s'il nous avait donné rendez-vous depuis le début. C’est alors un peu plus confiant qu’on se laissera mener en bateau pour la suite du morceau.


(Ashes to Ashes, aux Victoires du Jazz))

Dans son album "Xénophonia" (2006), pour lequel il a reçu le prix de l’album de l’année aux victoires du jazz en 2007, Bojan réinterprète magistralement le titre Ashes to Ashes de David Bowie. À nouveau, si le thème reste relativement proche de la version originale, Zulfikarpasic s’en écarte nettement lorsqu’il commence à improviser. S’accompagnant lui-même à la main gauche avec un xénophone, il développe des phrases dont lui seul a le secret, faisant preuve d’une grande inventivité rythmique et mélodique.

Il est de mon devoir de vous conseiller d’écouter Bulgarska ("Transpacifik", 2003 ). Si classement il devait y avoir, celui-ci ferait certainement partie de mes dix morceaux de jazz préférés. Ainsi, je ne me risquerais pas à souiller ce merveilleux moment de musique en le résumant à quatre phrases pouilleuses de commentaires incohérents. J’en parlerais peut-être un jour, si j’ai le temps d’écrire un bouquin ou une encyclopédie. En attendant, j'espère que vous saurez apprécier la dualité de celui qui est pour moi l'un des plus grands jazzmen actuels, car non, cette musique n'est pas une langue morte.

1 commentaire:

  1. Merci pour cet article, c'est justement un artiste que je ne connaissais pas mais que je voulais découvrir ! : )

    (Et j'aime.)

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