C'est entendu.

jeudi 3 mars 2011

[Comptez Pas Sur Moi] Jamie XX & Gil Scott-Heron - We're New Here

On en veut toujours plus, on ne se satisfait plus de rien. On cherche sans cesse à prolonger un plaisir, le sucer jusqu'à en dévorer la moelle. Depuis quelques années, le principe d'album remix pullule lorsqu'une œuvre connait un certain succès : Gonjasufi, Au Revoir Simone, Liars bientôt Daft punk etc. A chaque fois (ou presque), c'est la triste légende de Midas inversée, l'or touché par la main des remixeurs se transforme en un objet banal, souvent laid. En 2010, "I'm New Here" a bénéficié d'un très bon accueil et il était presque logique qu'un album de remixes fasse, aujourd'hui, son apparition. Jamie Smith, aka Jamie XX, la boite à rythme du groupe The XX, qui publie environ deux remixes par semaine depuis un an, est aux commandes du projet "We're New Here".

Jamie a du talent, ça on ne peut pas le nier. Ses multiples remixes et sa dextérité à manipuler un MPC suffisent à lui donner un certain crédit. De ce jeune homme, on pouvait se permettre d'espérer un travail de qualité, qui aurait enfin donné un sens à un concept qui n'a plus convaincu depuis... au moins Nine Inch Nails. Car c'est bien là qu'est le point faible de ce type de projet : on n'y trouve souvent aucune utilité, aucun but et parfois même aucune idée.

(New York Is Killing Me (remix de Jamie XX))

Au terme de l'année passée, en annonçant ce projet, Jamie XX livre le single promo, à savoir le remix du très bon New York Is Killing Me. Comme prévu, l'ambiance est dub, noire et sent le renfermé du garage. Ça marche, c'est efficace et ça donne envie d'en entendre plus, même si d'autres y trouveront une certaine vulgarité sonore. Un peu plus tard, c'est au tour de I'll Take Care Of U de passer dans le mixeur. Ici, pas de doute, même si le registre diffère et adopte un beat plus binaire, on est convaincu. La voix whiskarde de Gil-Scott Heron prend une dimension jusque là encore inconnue offrant à la chanson un coup de fouet aussi efficace qu'un stimulant musculaire électrique.

(I'll Take Care Of U (remix de Jamie XX))

Malheureusement, il aurait du s'arrêter là. Si les singles promotionnels sont souvent au dessus du lot, ici ce sont les seuls remixes valables. Le reste de l'album sombre dans une vulgarité dub qui tutoie le risible et embrasse l'ennui. Si la piste Running s'écoute sans trop de peine (c'est tout de même limite), il en est tout autre du reste. Smith n'hésite pas à utiliser tout les clichés du dub et de ce que d'autres appellent le "future garage". Certaines tracks sont aussi inutiles qu'inécoutables tant il abuse d'effet entendus et ré-entendus. On se croirait presque, par instant, dans ces soirées où le son importe aussi peu face à la transpiration des corps sourds et hyperkinétiques. Gil-Scott Heron se fait torturer le larynx par des variations de pitchs incessantes et dérangeantes. L'atmosphère riche que délivrait "I'm New Here" est dénaturée, violée par une banalité écœurante. La victime est à terre tandis que Smith continue son va-et-vient infect.


Jamie XX ne déroge pas à la règle et prouve, comme la majorité de ceux qui se sont embourbés dans ce type de projet avant lui, l'inutilité quasi-systématique d'un album remix. Pis, il crée ce sentiment désagréable de voir salie une œuvre que l'on aime. Voici un album qui ressemble plus à une séquelle odieuse et sous-traitée (du genre "direct-to-DVD) dont le but est de gaver les obèses déjà emplis de mélodies grotesques et ingénues.

Julien Masure

2 commentaires:

  1. En lisant votre chronique on a 'impression que vous cherchez a valider votre point de depart au sujet des albums de remix et sur la logique de gavage sans interet souvent inherent a ce genre de projets. Je serais plutot d'accord la plupart du temps mais ici on est loin du remix basique. L'album se nourrit du dernier Heron mais pour creer quelque chose de different. En bref si vous ecouter l'album "I'm new here" original et celui de jamie xx de la meme facon et avec les memes attentes, il est normal que vous soyez decu.Votre impression de "sacrilege" a la fin de votre chronique le montre bien car pour ma part j'ai les deux albums et je les ecoutes a des moments tres differents.

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  2. Premièrement, ça m'a fait découvrir Gill Scott-Heron, donc pour l'inutilité je repasserai.

    Je trouve que certains remixs mettent en lumière des tendances immuables dans la musique, une sorte d'unité poétique qui transcende le genre.
    Selon les époques et les goûts, on est conditionnés par de musiques de genre mais toujours réceptifs aux mêmes émotions. Ça se sent ici je trouve.

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