L'un des précurseurs et artistes majeurs du rock/metal industriel, ayant aidé avec son projet Fœtus à développer le genre plusieurs années avant la sortie des premiers albums de Nine Inch Nails, KMFDM, Skinny Puppy ou autres Ministry, J.G. Thirlwell est un artiste touche-à-tout, visionnaire et ambitieux… même s'il n'est pas à l'abri d'une ou deux fausses notes.
Dire que Thirlwell appartient au courant "rock indus" est d'ailleurs réducteur ; s'il est vrai que la plupart des pistes de Fœtus partagent le même style (rythmes industriels fracassants mais entraînants, grandes envolées de samples, voix rêche et folle), on ne peut pas accuser l'artiste de manquer d'inspiration(s) — comme le prouvent entre autres le thème et l'ouverture instrumentales sur "Nail", la rythmiquement surprenante et déstabilisante I'll Meet You in Poland Baby sur "Hole", les samples de musiques orientales sur Hammer Falls dans "Gash", l'esthétique jazz sur Cirrhosis of the Heart ou encore gospel sur l'excellente Grace of God (toutes deux sur "Flow")…
(DI-1-9026, sur "Nail". Si vous ne connaissez pas Fœtus, commencez par là !)
Plus que tout, les autres projets de Thirlwell (Manorexia, Steroid Maximus…) le révèlent véritablement comme un expérimentateur doué et ambitieux : un disque de Manorexia ne ressemble en rien à un disque de Fœtus et n'a rien à voir avec le rock ou l'industriel. L'artiste est allé jusqu'à réaliser la bande son d'un dessin animé (Venture Bros.) — et finalement, il n'est pas si surprenant que "Love" et "Hide", les deux derniers albums de Fœtus, s'affranchissent en grande partie du style précédemment développé.
Qui plus est, Thirlwell a de l'humour et n'hésite pas à coller dans ses pistes des références qui les font partir en dérision (par exemple Sick Man sur "Hole" qui reste sérieuse quatre minutes et finit par muter en thème de Batman, ou encore Satan Place, ci-dessous, qui se passe de commentaire).
Qui plus est, Thirlwell a de l'humour et n'hésite pas à coller dans ses pistes des références qui les font partir en dérision (par exemple Sick Man sur "Hole" qui reste sérieuse quatre minutes et finit par muter en thème de Batman, ou encore Satan Place, ci-dessous, qui se passe de commentaire).
(Satan Place, sur "Hole" : le côté déjanté de Fœtus)
Ce que j'aime beaucoup chez Thirlwell, en plus de son talent, c'est donc son ambition et son ardeur à expérimenter, à prendre des risques sans toujours se prendre au sérieux… mais aussi, paradoxalement, le fait qu'il n'ait pas peur d'exposer ses faiblesses. Ou plutôt sa faiblesse, qui peut facilement rebuter les auditeurs : sa voix. Si son chant rêche et semble-t-il pas entièrement maîtrisé colle parfaitement aux pistes "classiques" de Fœtus, il choque carrément sur (Not Adam), première piste de "Love", quasi-popsong très accrocheuse mais chantée complètement faux. J.G. s'en fout et fonce quand même, en remet une couche, à se demander s'il ne chante pas encore plus faux que d'habitude exprès pour rajouter de la dissonance à son morceau. Selon votre sensibilité et votre indulgence, ça passe ou ça casse !
((Not Adam), sur "Love". Le clip est un peu dérangeant. Peut-être pas autant que la voix.)
(À vrai dire, j'aime beaucoup (Not Adam), et tout "Love" d'ailleurs, qui est très accrocheur et change beaucoup des albums précédents de Fœtus. Mais c'est un goût qu'il peut être difficile de défendre.)
Bref — si j'ai tenu à longuement présenter cet artiste avant de m'attaquer à son nouvel album, "Hide", c'est que celui-ci est un album difficile d'accès et pas du tout représentatif de Fœtus. Si vous n'avez encore écouté aucun de ses enregistrements, ne commencez pas par là, vous risqueriez de vous faire une fausse idée de l'artiste (prenez plutôt le classique "Nail", qui est probablement son meilleur disque en plus d'être une excellente porte d'accès !)… "Hide" se décrit comme un "album conceptuel néo-symphonique psychédélique d'avant-garde inspiré par la culture de la peur" (rien que ça), contenant force arrangements qu'on peut qualifier d'épiques ou de pompeux, une trame dystopique, un disque qui se prend cette fois vraiment au sérieux et contient de longues pistes lentes et mélancoliques sonnant presque comme des requiems. A l'annonce d'un tel projet, on pouvait se réjouir autant qu'avoir peur de la catastrophe.
Ma première écoute n'a d'ailleurs pas été tout à fait convaincante : si la voix de Thirlwell sur (Not Adam) pouvait, malgré tout, coller avec l'esthétique là aussi symphonique, grandiloquente mais surtout défoulante et prenante de la chanson, elle passe franchement moins bien sur les chansons lentes, tristes et (trop) longues que sont Paper Slippers, Here Comes the Rain ou Oilfields. De plus, il n'y a pas réellement de pistes rapides et agressives sur "Hide", alors que c'est ce que Fœtus fait peut-être de mieux ! Si j'ai apprécié ce que Thirlwell avait tenté de faire sur "Hide", j'ai au début pris cet album pour un essai à moitié raté…
Bref — si j'ai tenu à longuement présenter cet artiste avant de m'attaquer à son nouvel album, "Hide", c'est que celui-ci est un album difficile d'accès et pas du tout représentatif de Fœtus. Si vous n'avez encore écouté aucun de ses enregistrements, ne commencez pas par là, vous risqueriez de vous faire une fausse idée de l'artiste (prenez plutôt le classique "Nail", qui est probablement son meilleur disque en plus d'être une excellente porte d'accès !)… "Hide" se décrit comme un "album conceptuel néo-symphonique psychédélique d'avant-garde inspiré par la culture de la peur" (rien que ça), contenant force arrangements qu'on peut qualifier d'épiques ou de pompeux, une trame dystopique, un disque qui se prend cette fois vraiment au sérieux et contient de longues pistes lentes et mélancoliques sonnant presque comme des requiems. A l'annonce d'un tel projet, on pouvait se réjouir autant qu'avoir peur de la catastrophe.
Ma première écoute n'a d'ailleurs pas été tout à fait convaincante : si la voix de Thirlwell sur (Not Adam) pouvait, malgré tout, coller avec l'esthétique là aussi symphonique, grandiloquente mais surtout défoulante et prenante de la chanson, elle passe franchement moins bien sur les chansons lentes, tristes et (trop) longues que sont Paper Slippers, Here Comes the Rain ou Oilfields. De plus, il n'y a pas réellement de pistes rapides et agressives sur "Hide", alors que c'est ce que Fœtus fait peut-être de mieux ! Si j'ai apprécié ce que Thirlwell avait tenté de faire sur "Hide", j'ai au début pris cet album pour un essai à moitié raté…
(Cosmetics)
…et pourtant, au bout de trois écoutes, il avait véritablement réussi à me conquérir. Certes, cet album a des défauts et réclame une certaine indulgence de la part de l'auditeur, mais une fois qu'on a pris en compte et "assimilé" ses points faibles, les qualités de composition ainsi que les nombreuses bonnes idées ressortent vraiment — de l'utilisation des chœurs et percussions épiques sur Cosmetics à la marche incroyable chargée à bloc aux accents far west de The Ballad of Sisyphus T. Jones (en passant par la musique concrète de Concrete), l'album ne manque pas de surprises, et finalement même les lamentations sur les pistes lentes dont je parlais plus tôt ont leur place sur le disque, qu'elles soient faussement douces et très acides (Paper Slippers), ou chargées d'une tension sous-jacente accentuée par une comptine détournée sur Oilfields.
Surtout, l'énergie de l'album est bien là, mais pas sous la forme à laquelle on pouvait s'attendre : comme cela s'entend très bien sur Cosmetics ou Stood Up (la piste la plus accessible du lot), ce sont les éléments symphoniques, les grandes envolées d'instruments à cordes, les explosions de batteries et de cuivres, qui font que "Hide" se révèle être tout sauf d'une écoute paisible ! Et vers la fin du disque, Thirlwell revient presque à ses premiers amours en proposant une piste aussi crade et défoulante que ses meilleures chansons des années 80-90 avec l'apogée de huit minutes You're Trying to Break Me ; le fait que celle-ci ait un rythme non pas effréné mais qui s'étire, se tend jusqu'au point de rupture, ne lui donne au final que plus de puissance. Une fois le disque apprivoisé, il se révèle réjouissant — et on se dit finalement que non, Thirlwell n'a plus rien à prouver et qu'il peut se permettre à peu près tout ce qu'il veut, ça vaudra toujours le coup d'y jeter une oreille.
Difficile au final d'évaluer cet album, qui contient à la fois plus de défauts et plus de qualités que la plupart des disques que j'ai aimés cette année… Au début je lui aurais donné un petit 3/5 pour l'effort et les idées, sans avoir l'impression de pouvoir vraiment le recommander. Si je m'écoutais maintenant, je lui donnerais 4/5 sans hésiter — mais j'ai un peu peur de lui donner une "trop" bonne note vus les réserves et avertissements que j'ai émis à son égard. Toujours est-il qu'après plusieurs écoutes, malgré ses longueurs et son exécution parfois imparfaite, je peux affirmer qu'il s'agit d'un disque surprenant, pas évident mais qui vaut vraiment le coup, de la part de l'un des artistes les plus intéressants dans son (ses) genre(s). Sachez juste dans quoi vous vous embarquez et préparez-vous à vous accrocher !
— lamuya-zimina
Surtout, l'énergie de l'album est bien là, mais pas sous la forme à laquelle on pouvait s'attendre : comme cela s'entend très bien sur Cosmetics ou Stood Up (la piste la plus accessible du lot), ce sont les éléments symphoniques, les grandes envolées d'instruments à cordes, les explosions de batteries et de cuivres, qui font que "Hide" se révèle être tout sauf d'une écoute paisible ! Et vers la fin du disque, Thirlwell revient presque à ses premiers amours en proposant une piste aussi crade et défoulante que ses meilleures chansons des années 80-90 avec l'apogée de huit minutes You're Trying to Break Me ; le fait que celle-ci ait un rythme non pas effréné mais qui s'étire, se tend jusqu'au point de rupture, ne lui donne au final que plus de puissance. Une fois le disque apprivoisé, il se révèle réjouissant — et on se dit finalement que non, Thirlwell n'a plus rien à prouver et qu'il peut se permettre à peu près tout ce qu'il veut, ça vaudra toujours le coup d'y jeter une oreille.
Difficile au final d'évaluer cet album, qui contient à la fois plus de défauts et plus de qualités que la plupart des disques que j'ai aimés cette année… Au début je lui aurais donné un petit 3/5 pour l'effort et les idées, sans avoir l'impression de pouvoir vraiment le recommander. Si je m'écoutais maintenant, je lui donnerais 4/5 sans hésiter — mais j'ai un peu peur de lui donner une "trop" bonne note vus les réserves et avertissements que j'ai émis à son égard. Toujours est-il qu'après plusieurs écoutes, malgré ses longueurs et son exécution parfois imparfaite, je peux affirmer qu'il s'agit d'un disque surprenant, pas évident mais qui vaut vraiment le coup, de la part de l'un des artistes les plus intéressants dans son (ses) genre(s). Sachez juste dans quoi vous vous embarquez et préparez-vous à vous accrocher !
— lamuya-zimina
Eh bien c'est une super chouette découverte ! J'avais entendu parler de Foetus en enquétant sur Swans mais j'ai découvert avec les chansons dans cet article et je dois dire que j'adore les deux premières (qui ont certainement influencé NIN, oui). La troisième que tu décris comme plus difficile à s'enquiller passe totalement pour moi (et j'aime bien ce clip oppressant), alors je crois que j'ai pas grand chose à craindre !
RépondreSupprimerMerci !