C'est entendu.

mardi 10 août 2010

[Réveille Matin] The Magnetic Fields - The luckiest guy on the Lower East Side

Lorsqu'elle est sincère, la naïveté est une sacrée bonne amie, surtout si elle dépasse les limites du bon sens. Prenez les Magnetic Fields : lorsque circa 1999 Stephin Merritt et ses acolytes enregistrent les soixante neuf chansons d'amour qui deviendront leur chef d'œuvre, la naïveté de leur idée, la franche niaiserie du projet-même de délivrer un triple album plus ingénu qu'une jeune fille en fleur, la candeur extrême plus sucrée qu'une menthe à l'eau dosée de telle façon qu'on a envie de l'appeler eau à la menthe, le suicide commercial, en deux mots, représenté par ce triple CD hors de prix paru à deux mois d'intervalle du plus aisément commercialisable "The Battle of Los Angeles" de Rage Against The Machine, n'était qu'une preuve formelle et intemporelle de naïveté, dans ce qu'elle a de plus sincère, touchant et historique.

Toute l'idée de l'album reposait sur ce concept : écrire et chanter l'amour sous toutes ses formes. L'amour unilatéral d'une fille pour la ville de Reno, dans le Dakota (Reno Dakota), celui plus romantique où rien n'importe lorsque nous dansons (Nothing matters when we're dancing), celui de Ferdinand de Saussure, le fameux linguiste, pour sa quête de la vérité au moment de sa mort (The death of Ferdinand de Saussure), l'amour énoncé de façon préventive (Absolutely Cuckoo), expérimentale (Experimental Love), punk (Punk Love), ou tout simplement désolée (I'm sorry I love you) et j'en oublie. Les plus cyniques auront passé leur chemin bien longtemps avant que le premier CD ne touche à sa fin mais les autres y trouveront un manifeste pop comme on n'en fait pas beaucoup. Merritt y partage son chant, grave et pas très juste, avec des invités, les chansons sont courtes, mettent l'accent sur la mélodie, regorgent d'idées sonores parfois invraisemblables alternées avec un classicisme assumé. C'est l'un de ces albums merveilleux vers lequel revenir est toujours un voyage neuf. Une bibliothèque dans laquelle se plonger encore et encore.

Le Lower East Side, à New York



"I know Professor Blumen makes you feel like a woman
but when the wind is in your hair you laugh like a little girl
So you share secrets with Lou but we've got secrets too
Well, one: I only keep this heap for you
cause I'm the ugliest guy on the Lower East Side
but I've got wheels and you want to go for a ride"

Vous voyez, un type chante qu'il est le mec le plus veinard du quartier, et pourquoi ? Parce que si la fille de ses rêves est entourée de prétendants plus beaux, intéressants, malins ou proches d'elle que lui, il n'en reste pas moins que, lorsque le soleil inonde les rues, c'est avec lui qu'elle est, parce qu'il a une voiture, et qu'elle a envie d'aller faire un tour.


Joe Gonzalez

4 commentaires:

  1. C'est effectivement un monument construit sur une idée stupide. Mais quel monument. Bref, comme tu dis...
    :-D

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  2. Le problème de Stephen Merritt, c'est le ton qu'il prend pour chanter. Il laisse une impression de second degré et d'affectation. Cela me fait dire qu'il n'est pas si naïf. Ou s'il l'est, il atténue cette idée en se montrant distancié. A sa décharge, il faut reconnaître que sa voix ne l'aide pas et on trouve peut-être dans cette limite la raison de son attitude de chanteur.

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  3. Ça me rappelle ton arrivée en tant que lecteur de C'est Entendu, Matador, quand tu avais écris un pamphlet (très vite regretté) dans lequel tu maltraitais pas mal les Magnetic Fields (c'était au moment où j'avais publié une chronique du dernier album). Je ne suis pas vraiment d'accord avec toi sur le fond, mais je pige ce que tu reproches à la voix de Merritt. Et je pige aisément qu'elle dérange.

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  4. Je me souviens, je n'avais pas aimé Realism. J'ai tout de même gardé deux albums des Magnetic Fields, dont ce 69 Love Songs, car j'aime bien All My Little Worlds - qui efface curieusement mes impressions générales à propos de tous les autres titres. L'album I me plait pas mal aussi, y compris, peut-être, pour la pochette.

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