[Réveille Matin] Cocoon - Chupee

A Mélodie

Il y a quelques mois, je travaillais dans cette boutique où la radio crachait constamment les plus insalubres saloperies que la pop music lubrifiée par un corporatisme commercial avait produites depuis deux ans. Une lavasse ponctuée d'autant de publicités que faire se pouvait, à tel point que l'on pouvait légitimement se poser la question du contenu lorsque les interventions des "DJs" (je répugne à utiliser ce terme pour désigner des robots qui répètent chaque jour, une fois toutes les trois minutes, avec une précision inhumaine, un tel monceau de bêtises), les spots publicitaires et les chansons elles-mêmes se mêlaient en un flot indissociable de slogans lobotomisés. Un supplice.

Cependant, le pire était à venir. Le remplacement d'une bonne moitié de l'effectif fut l'occasion pour un nouvel employé téméraire de se montrer obstiné à changer la station de radio dès que mon dos était tourné pour passer une fréquence encore plus ignoble que celle qui avait fait de moi sa chienne : Radio Ado. Je ne connaissais pas ce FM-ci, mais c'est dans la douleur que les présentations se firent, et pour situer, imaginez Skyrock en pire et ajoutez à cela la mort de Michael Jackson. Ce jour-là, et ceux qui suivirent, j'ai regretté le temps où je pestais contre les chansons de Cocoon, ou plutôt LA chanson de Cocoon, puisque c'est uniquement Chupee, studio ou live, qui passait, environ dix huit fois par jour.

En 2007, Cocoon avaient sorti un premier album pas mal - enfin, pas vraiment ma tasse de chicorée favorite, mais là n'est pas la question - qui participait d'une sorte de scène pop parisienne anglophile aux côtés de leurs copains de Hey Hey My My (qui sortaient eux aussi leur premier album sur le même label, Sober&Gentle) et de quelques autres. Évidemment, cet engouement pour l'indie pop avait cinq ans de retard et n'apportait pas grand chose de plus au schmilblick que quelques chansons sympatoches, mais mieux valait tard que jamais, ou du moins c'est ce que je me disais alors. Trois ans plus tard, et quelques mois passés à entendre les plus infâmes dérives découlant de cette scène là et d'autres (Revolver, Coeur de Pirate et tant d'autres) infiniment martelées sur les ondes m'ont fait revoir mon jugement, certes, mais lorsque le point de non-retour fut atteint vis à vis de Radio Ado, croyez-moi, j'aurais tout donné pour entendre Chupee, le single du second album de Cocoon, beaucoup plus caricatural et tellement mielleux, mais aussi nettement moins terrible que les débilités braillées sur la "radio numéro 1 à Paris" (comme il est précisé toutes les 10 minutes environ sur Radio Ado).

Il ne fallut pas longtemps pour que je quitte mon job, et aujourd'hui, en guise d'indemnité de départ, je vous inflige à votre tour mon supplice et ma rédemption, ma passion et ma renaissance, le Chupee de Cocoon.

Joe Gonzalez