Le crédo de Nimh, le premier groupe de la soirée est résolument folk et pop à deux voix et chantant en anglais (et avec un accent British travaillé). L'un ne lâche pas sa guitare folk, l'autre oscille entre l'électrique et une basse par conséquent absente de certains morceaux, un troisième au clavier, pour de jolis arrangements et des mélodies accrocheuses, et un batteur détonant : voilà à peu près le topo. Ajoutons à cela une propension à faire durer les outros (pour les besoins/plaisirs du live) et à les dynamiser joyeusement, et laissez moi vous dire que ce fut franchement réussi. Les quatre potes de Rennes se sont montrés largement à la hauteur et ont détruit les craintes d'un public méfiant au début, pas franchement convaincu (sauf pour ceux qui les avaient déjà vus), en livrant une prestation vraiment bien rodée. Nimh, un groupe qui mérite sérieusement d'être suivi.
Sur ces notes positives, la salle, qui s'était peu à peu remplie, durant le premier set, vogua vers le deuxième groupe, New Politics. Trois américains signés chez Sony et qui ont élu domicile à Copenhague. Celui qui semblait être le leader chauffa un peu la salle et le premier morceau débuta. Tout le monde s'enflamma. Pour moi, ce fut le drame. Je ne sais pas tout à fait par quoi commencer.
Commençons par causer de la musique. Avec des couplets rock US pauvres, banals, brutaux sans aucune finesse de composition (à grand renfort de larsens et de jeu en palm mute affreux) flirtent des refrains rappés médiocres et sans intérêt, un chant ignoble, entrecoupé d'onomatopées insupportables (comme si le type voulait se faire passer pour rebelle mais tombait dans une platitude effrayante), une batterie "de stade" jouée par un Mr Muscle en débardeur moulant, et un guitariste aux cheveux décolorés dont les accords étaient la plupart du temps noyés dans le son de la basse pré-enregistrée jouée depuis un lecteur mp3. Rien que ça.
(le single, assez peu représentatif)
Il faut maintenant s'attaquer aux thèmes abordés par les morceaux. Accrochez-vous, je vous offre du scoop et de l'inédit : Les médias nous malmènent, le capitalisme c'est mal, notre cerveau est lobotomisé par les hommes de pouvoir qui sont tous des escrocs. Voilà le fil conducteur, agrémenté par des slogans fédérateurs du style "Revolution is the only solution," scandés à maintes reprises et provoquant le délire de la foule et son avalanche de "You Roxx Man !!" ou encore "Come on Man !!" en guise de réponse. Pour faire un schéma rapide, ça sonnait comme le groupe lambda pour adolescent qui accroche des badges hard rock sur son sac Eastpak, et qui porte des Van's, c'est-à-dire l'ado typique d'il y a dix ans, ce qui explique peut-être qu'une majorité du public (moyenne d'âge 25-30 ans) ait pu prendre son pied.
Et puis, "cerise sur le spacecake" (Thelonius H.), la PRESTATION, parlons-en. A trois occasions, le chanteur s'est lancé dans un show de break dance, puis un instant beatbox, et enfin une slow motion dance, permettant ainsi aux deux musiciens d'improviser des jams vomitifs, et aux filles de hurler. Passons sur les traits d'humour façon "Oops, the guitar is out of tune, the guitar is drunk ?! THE GUITAR IS DRUNK ?!" mais, j'allais oublier la reprise de Blitzkrieg Bop des Ramones, jouée comme tout le reste façon Linkin Park rencontre Blink 182 et Green Day avec un peu de Rock Steady Crew (en moins kitsch, donc beaucoup moins bien). Et mon voisin de concert, aux cheveux blancs, de me donner une accolade amicale: "Ça dépote hein ? Ah lala, la jeunesse !"
En bref, n'entrez jamais dans un champ de recherche internet, aussi restreint soit-il, les lettres P, L, W, N, C, O, S, I, T, E et I dans l'ordre qui pourrait donner "New Politics," car il en va de la sécurité de vos oreilles.
Enfin, après avoir violemment lancé les instruments au sol (original!), et avoir exécuté quelques dernières pitreries scéniques, les trois héros de la révolution culturelle américaine chapeautée par Sony Music se retirèrent dans leur loge, sans doute pour dialoguer avec leur guitare ivre autour d'un verre. Mais ce n'était plus notre (du moins mon) problème, et après 35 minutes d'incompréhension totale, et ce malgré quelques essais infructueux, je commençais à respirer à nouveau. The Bewitched Hands On The Top Of Our Heads se préparait...
Rapidement, les six musiciens, originaires de Reims, prirent possession des instruments et sans mot dire, entamèrent leur set par Happy With You, certainement la chanson la plus cool que l'on pourra retrouver sur leur premier album. Par certains aspects, Nimh et The Bewitched Hands... se recoupent. À la réflexion, le cool y est à coup sûr pour beaucoup. Les deux groupes ont témoigné d'un professionnalisme incontestable, mais empreint d'un détachement certain, et grâce à ça, le moment avait une saveur unique. En terme d'aura, la sympathie inondait immanquablement la salle, et quelques similitudes furent également à observer au niveau musical, avec une pop/folk vraiment agréable et là encore chantée en anglais. Bien sûr, les mains ensorcelées ont leurs particularités, comme l'usage du tambourin sur presque chaque morceau ou différents arrangements au clavier. Sur scène, certains restent tout le set, d'autres vont et viennent, des duos guitare-voix s'installent, et une chorale s'improvise même pour un chant a capella, sourire aux lèvres et mains sur les épaules.
(Happy With You)
The Bewitched Hands... a véhiculé une très bonne ambiance, et le public y a été extrêmement réceptif. Quarante minutes plus tard, un rappel (le seul de la soirée), deux morceaux, quelques signes de mains, un bref "Au revoir," et on s'activait déjà à débarrasser la scène. Fameux concert. Il y a tout de même, selon moi, un ou deux constats à tirer.
Tout d'abord, il en ressort que les scènes provinciales françaises sont visiblement porteuses d'espoir, et c'est une bonne chose, car elles proposent une performance assez différente de celle de la scène parisienne, étriquée dans ses blousons en cuir trop cintrés et ses pantalons trop serrés, et cela fait du bien. Je vous prie de m'excuser d'emblée pour la naïveté de ce qui va suivre, mais rien de tel qu'une bande de copains avec une dégaine cool, qui véhiculent du plaisir, qui arrivent puis repartent avec cet air franc qui accompagne toujours l'impression qu'on a après avoir donné tout ce qu'on peut, après avoir donné de sa personne.
D'autre part, démonstration aura été faite, pour moi, que des groupes discrets, voire même timides au premier abord (dans le cas de Nimh) offrent de meilleures prestations que des groupes lourds et encombrants qui occupent la scène comme on occuperait un plateau télé ou une aire de jeu. On commence à avoir compris qu'il est de bon ton de penser que le jeu scénique fait partie intégrante de la chose, qu'il faut avoir de la personnalité dans sa musique et aussi dans son SHOW, mais en ce qui me concerne, je préfère et je crois que je préfèrerai toujours un artiste/groupe mesuré, loin de l'excès, à une machine de guerre surexcitée prétextant du moindre refrain hypothétiquement anti-conformiste pour tenter un salto ou se jeter par terre. Autrement dit, je trouve, par exemple, un live de John Fahey cent fois, mille fois plus intense qu'un de ces concerts bouillonnants et débordants que la capitale expire péniblement soirs après soirs. Alors que la scène vive, que des choses se passent, oui, bien sûr, forcément même, et heureusement, mais là encore tout est une question de juste milieu, et tomber dans le too much semble être quelque chose qui fonctionne malheureusement toujours aussi bien...
Hugo Tessier
"The guitar is drunk?!" Mon pauvre, ça devait être terrible à voir en vrai!
RépondreSupprimerThe Bewitched etc. ont l'air assez sympa
Oui, oui, ça a été comme un traumatisme. J'avais passé Stupéflip, Stanley Kubi, et je me disais "c'est bon, c'est derrière toi, ca va", mais non, le danger se terre partout.
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