C'est entendu.

dimanche 25 avril 2010

[They Live] Daniel Johnston and the B.E.A.M Orchestra à L’Auditorium de Bourges

« Now ladies and gentlemen, Daniel Johnston »
C’est après une présentation digne d'une entrée de boxeur, lancée par son frère Dick Johnston, que Daniel s'approche sur le devant de la scène. Tête baissée, après avoir glissé un timide "hi, how are you ?" il attaque un Keep Punching Joe des plus bancals. Le B.E.A.M. Orchestra (une troupe de onze musiciens hollandais de jazz expérimental dont le nom échappe au pauvre Daniel lorsqu'il décide de la présenter) couvre sa voix chevrotante. Pour cet homme au génie torturé, il y a des concerts avec, d’autres sans ; celui-ci semblait faire partie de la seconde catégorie. A côté de ces baskets pendant les premières minutes, perdu et gêné par d'incessants tremblements, il nous susurre "I’m a desperate man," et enchaine sur deux titres, d’une tristesse chaotique, joués sans l'orchestre sur sa mini guitare pas très bien accordée.


Puis, le maitre de cérémonie s'assoit derrière son pupitre (où il lit consciencieusement les textes de ses chansons, qui se trouvent dans un petit classeur plastifié) et joue Mind Movies, très concentré. Il s'applique autant qu'il peut entre deux gorgées d'eau et quelques remerciements. Au bout d'une vingtaine de minutes, on verse notre première larme sur Try to love, absolument bouleversante. Quelle joie de pouvoir assister à un tel moment d’émotion. Mis à part un ou deux néophytes peu convaincus et autres voyeurs ricanant lamentablement, un spectateur résume le sentiment général en hurlant "I love you !" lors d'une pause entre deux titres. Une bien belle manière de répondre au chanteur qui s'inquiétait un peu plus tôt de jouer face à un mur, en lâchant un adorable "Are you Still There ?" Le public est bien présent pour la suite du set, qui est un pur bonheur : ça rocke grave sur l'excellent tube du dernier album Fake Records of Rock 'n roll. Il se permet même un hommage à Mark Linkous (dont le nom, oublié par Daniel, lui est soufflé par son orchestre) en interprétant Syrus Of Tears, issu de "Fear Yourself," un album que le leader de Sparklehorse (qui nous a quitté il y a quelques semaines) avait produit pour Daniel.

« Don’t be sad, I know you will »

Le travail du B.E.A.M. Orchestra sur l'instrumentation permet au set de tenir la route et d'être même assez surprenant : le groupe sait jouer de façon jazzy, pop, folk ou rock, en s'adaptant aux chansons et en apposant sa patte sur les arrangements. Les fans purs et durs de lo-fi qui restent bloqués sur le Daniel Johnston des débuts froncent un peu les sourcils (notamment, sur la version revisitée de Devil Town et son solo de saxophone ultra kitsch alors que la version originale est un bijou minimaliste, a cappella) mais les autres apprécient à sa juste valeur la relecture des morceaux avec cordes, cuivres, percussions et piano.

Puis vient déjà l'heure des rappels qui nous donne le privilège d'assister à une magnifique interprétation de l'immense True Love Will Find You In The End, qui nous fait fondre en larmes du début à la fin. Lorsque la fin du concert arrive, Daniel Johnston semble satisfait de sa soirée bien plus qu’il n'en avait l'air au commencement : sa joie d'avoir été rappelé alors qu'il était retourné brièvement dans les loges semble sincère. Ce qui nous frappera d’ailleurs, c’est à quel point ses perles auront étés interprétées avec sincérité, générosité et humilité par le bonhomme. Après deux rappels, tel un élève appliqué heureux d'entendre sonner la fin du cours, il regagne définitivement et prestement les loges, non sans oublier son classeur où figurent certaines des plus belles pages de la pop.


Les Glasses

4 commentaires:

  1. J'ai déjà donné mon avis sur tes dessins, mais ton article est très bon également, Leslie Glasses. J'aime pas trop les comptes rendus de concert. Mais celui-là j'aime bien.

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  2. Jusqu'à hier je confondais Daniel Johnston, Danièle Thomson et Turner Cody. Le premier, inutile de le présenter apparemment (à part pour moi qui ne le connais ni d'Eve ni d'Adam), la seconde c'est une cinéaste-trainée qui renègue la bite et la mort, et le troisième c'est le folkeux rouqmoute qui fait parfois la première partie d'Herman Düne et qui ressemble à un gros arapède puant.

    Du coup quand je lisais la chronique dithyrambique de ce concert de Daniel Johnston sur le blog de Vikash Dhorasoo, mes repères étaient d'autant plus bouleversés que cet ex-footeux a un pied (toujours le pied droit en premier, toujours, celui avec lequel il marche dans la merde de son chien à chaque saut du lit) dans le septième art grâce à sa collaboration cinématographique Kafkaïenne avec Freddy Poulet, ce qui pouvait laisser penser que le bonhomme était fan de Danièle Thompson.

    Quant à Turner Cody j'en parlerai pas plus, je pense être déjà l'homme qui a le plus écrit son nom noir sur blanc dans le monde, à part lui-même, quand il s'entraîne à signer ses initiales sur le cul bulbé de son épouse de 7 ans: "Travaux Dirigés".

    Bref bref...

    Perso j'ai rien contre les reviews de concert, mais généralement j'ai rien pour... J'ai souvent l'impression de lire toujours la même et de ne rien en retirer. On tourne plutôt en rond. "J'ai adoré, il est génial" ou "J'aime bien mais il nous a pas parlé !!!! Or j'adore les vannes pourries que les chanteurs de merde croient géniales et répètent de ville en ville avec toujours les mêmes rires idiots d'un public qui se croit privilégié, qui se croit dans la confidence, fier comme Artaban d'avoir eu sa petite miette de cocasserie unique de la part d'un musicien nul mais connu", ou "C'est du pur génie sur galette mais en live c'est la pire zique possible et quand on voit le mec en face pour savoir ce qu'il y a dans le bonhomme, on se dit que c'est balèze d'être à ce point misérable". Cette dernière variante c'est ce que je me dis le plus souvent en sortant des divers "gigs" où je n'entre pas, faute de billets achetés à 17€ la soirée ratée. Et pour baigner le tout les anecdotes brûlantes d'un instant unique, elles aussi systématiquement identiques: "Un spectateur résume le sentiment général en hurlant "I love you !" lors d'une pause entre deux titres...".

    A ce propos, Josh, tu devrais peut-être faire une review du concert du BJM pour essayer de ne pas tomber dans les pièges pernicieux de la sempiternelle review de concert.

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  3. Je ne suis pas d'accord avec Rémi, enfin si, mais là non. Pour le coup, ce n'est pas le "Un spectateur résume le sentiment général en hurlant "I love you !" lors d'une pause entre deux titres..." qui est important. Mais plutôt le fait de savoir comment Daniel Johnston évolue avec ce nouvel orchestre sur scene. Est ce que la relecture des titres est interessante sur scene? Est ce que cela apporte un plus ou pas?
    Je trouve que l'article relate très bien l'ambiance qu'il peut y avoir sur ces chansons. Moi qui aime Daniel depuis le de très longues années j'avais un peu peur de ces versions revisitées en live, mais cette article m'a convaicu. Il n'y a que du vrai. Les reviews de concerts c'est assez vache à faire. Totalement casse gueule. Mais la je dis que c'est gagné.Bravo.

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  4. J'suis ok avec Anonyme. Reviewer un concert assez banal d'un groupe assez banal qui joue son album c'est sans grand intêret. Quand il s'agit d'une performance, pas unique, mais qui n'a rien à voir avec l'oeuvre studio, là ça vaut le coup.

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