Bonjour à tous ! Malgré tout le foin autour des jeunes turcs et tout le bien que je pense de Jean-Luc, Claude, François et les autres, mon film préféré de toute la nouvelle vague est réalisé par une femme qui n'en fit même pas intégralement partie. Non, trop rive gauche, trop indépendante face à l'esprit Cahiers du Cinéma, Agnès Varda fut avec quelques autres (Resnais, son mari Demy et d'autres plus tardifs comme Pialat ou Eustache) en marge du mouvement, mais jamais bien loin non plus. Nouvelle vague, Cléo de 5 à 7 l'est totalement, et pas seulement par le court-métrage burlesque fictif qu'y regarde l'héroïne (deux petites minutes délicieuses mettant en scène le couple Godard/Karina) : le film a la spontanéité de ces premiers longs métrages insolents, emplis d'idées de cinéma à ras bord et pourtant amoureux de la culture populaire et de Paris, ville qui regarde le spectateur autant que lui la regarde vivre. Cette heure et demie qui sépare Cléo, jeune chanteuse populaire oisive, du résultat de ses analyses médicales qui risquent de lui révéler un cancer est comme une parenthèse où le temps se suspend, un moment d'impuissance totale où cette enfant gâtée capricieuse doit supporter l'insouciance des autres. De la diseuse de bonne aventure à la lumière douce du parc Montsouris, de la visite de son amant négligeant à ces balades dans les rues de Paris où Cléo apprend à regarder les autres, Cléo de 5 à 7 est un film à la fois léger et très grave, et la multitude de petits détails euphoriques qui parsèment le parcours de la chanteuse ne font que le rendre plus étouffant et anxiogène.
(Sans toi, composée par Legrand et chantée par Corinne Marchand)
(Sans toi, composée par Legrand et chantée par Corinne Marchand)
Au milieu du film, Cléo reçoit son parolier et compositeur, joué par un tout jeune Michel Legrand qui compose effectivement la musique du film. Après quelques morceaux légers, et alors que la jeune femme cache sa crainte de la maladie, ils interprètent Sans toi, chanson mortuaire d'une tristesse infinie, et bientôt le piano de Legrand est rejoint par un orchestre sorti de nulle part alors qu'un lent travelling isole Cléo face à la caméra sur un fond noir macabre, fixant le spectateur de ses yeux plein de larmes. Et quand après une montée désespérée à faire frissonner un khmer rouge elle chante d'une voix éteinte les derniers vers du morceau, "Seule, laide, et livide, sans toi, sans toi..." c'est tellement déchirant que c'en est presque insoutenable. C'est très certainement le plus grand moment de la carrière de Corinne Marchand, l'une des plus belles compositions de Michel Legrand et l'une des scènes les plus fortes de ce chef d'œuvre d'Agnès Varda.
Thelonius H.
oh mon dieu, ce passage... ce film... ce morceau...
RépondreSupprimerquid de ascenseur pour l'échafaud?
RépondreSupprimerPatience, patience...
RépondreSupprimerJ'avais énormément aimé ce film qd je l'avais vu qq années après sa sortie,
RépondreSupprimerje viens de le revoir en dvd : magnifique et inoubliable. Et Corinne Marchand, chapeau (ss jeu de mot) !
Merci Agnès Varda et Corinne Marchand - et Michel Legrand. Effectivement, cette interprétation de "sans toi" , frisson garanti.
Hélène C