C'est entendu.

lundi 15 février 2010

[Vise Un Peu] Beach House - Teen Dream

Avant même sa sortie, on pouvait sentir venir cet album et ce à quoi il allait ressembler. Il y avait des signes avant-coureurs comme avec le single Used To Be, ré-enregistré depuis, en mieux, mais qui offrait déjà un rythme plus rapide que la quasi-totalité des morceaux du précédent essai du groupe, l'immense pavé de tristesse funèbre "Devotion," en 2008. Et puis, pour tous ceux qui avaient eu la chance comme votre serviteur d'assister à un concert de Beach House lors de leur dernière tournée européenne en août dernier, on pouvait deviner le futur du groupe, avec ces quelques morceaux inédits qui semblaient déjà plus directs, en tout cas plus dynamiques. "Teen Dream" arrivait donc comme le type même d'album déjà applaudi qui sert d'aboutissement à un groupe, au moins au niveau de la popularité, celui avec lequel il serait reconnu, apprécié par un plus grand nombre après avoir déjà drainé derrière lui une poignée de fans dévoués. Et c'est exactement ce qu'il est, répondant à la fois à tous les standards si particuliers du duo de Baltimore tout en offrant quelque chose d'autre : ni changement de direction, ni avancée, "Teen Dream" est avant tout un élargissement, comme si Beach House avait décidé de rester là où il était depuis deux albums pour simplement s'étendre et consolider son style, en toute honnêteté.

(Silver Soul)

Pour ceux qui connaissaient déjà le groupe, cet album n'est donc pas vraiment une surprise, et l'on pourrait d'ailleurs reprocher en toute lucidité le retour incessant des mêmes recettes, chanson après chanson : les mêmes arpèges de guitare forcément éthérés qui tricotent des croches lumineuses et mélancoliques, les boites à rythme qui appuient des rythmes lents (moins qu'avant cependant) et rêveurs déjà exploités par le passé, les mêmes synthétiseurs et autres orgues qui résonnent dans la réverbération. Bien sûr, Beach House ne s'est pas remis en question formellement, mais était-ce cependant nécessaire? Le groupe avait-il épuisé en deux albums la totalité des pistes à suivre autour de ces éléments si particuliers, si mystérieux? Sûrement pas, et c'est là où "Teen Dream" se justifie tout seul. Parce qu'il contient toutes ces instrumentations dans des contextes plus riches qu'auparavant et au sein de morceaux qui ne détournent pas un style pour offrir une révolution, non, juste quelque chose d'un peu différent, d'un peu plus ample. Le changement ici est plus dans les intentions que dans la forme propre, mais il modifie finalement totalement le résultat final pour donner un album impressionnant.

Ce qui frappe tout d'abord en écoutant la seule Zebra qui sert d'introduction, c'est à quel point le groupe apparait puissant, avec force chœurs, des synthétiseurs moins sourds, plus éclatants, épaulé d'une vraie batterie dans les moments les plus épiques. Là où la force du groupe était plus insidieuse, laissant l'image vague du duo de dream-pop vaguement ennuyeux et dont seul l'auditeur attentif pouvait espérer se rendre compte des véritables morceaux de bravoure qu'il déployait, ce nouvel album montre un groupe bien plus sûr de lui, capable enfin de produire des morceaux comme 10 Mile Stereo, sorte de point d'orgue de l'album avec son final puissant et envolé qui montre le chemin parcouru en deux ans. D'ambiances quasiment claustrophobiques, on est passé à de longues étendues sonores, jouant toujours sur ce mélange chaud-froid, entre guitares aux vibratos surf et orgues d'enterrement, mais avec plus d'espace. La musique de Beach House respire, elle souffle, un chanson comme la magnifique Silver Soul et sa douce pâleur en est la belle preuve. Le groupe sonne de manière générale plus pop, inspiré en cela par les 70's (Used To Be sonne un peu comme du McCartney en solo, mais en mieux, Dieu merci) avec des arrangements plus riches et même des percussions : on se rend compte que Beach House aurait été incapable, il y a encore quelques années de cela, de sortir quelque chose d'aussi rempli et entrainant que Norway. Ce qui ne veut pas dire non plus que le groupe a accéléré perpétuellement le tempo, certains morceaux restant toujours aussi langoureux. Mais lorsque l'on écoute Walk In The Park, on se rend compte immédiatement que le groupe a évolué, beaucoup, et à quel point certains morceaux semblent maintenant lumineux et légers (parfois peut être même un peu trop, comme Lover of Mine).

(Walk in the park)

Bien sûr, dans cette métamorphose, on perd un peu en chemin cet intimité romantique qui faisait toute la force de "Devotion," et certaines écoutes peuvent faire quelque peu regretter les sentiments déchirants mais sourds qui étaient sous-entendus dans chacun des murmures du précédent album. Mais ce n'est que partiellement vrai, et il y a bien une chose qui raccroche toujours cet album à cette tristesse : la voix de Victoria Legrand. Toujours déchirante, toujours magnifique, se lançant plus souvent dans l'aigu qu'auparavant, il faut l'entendre chanter "You are coming home/Are you still alone?/Are you not the same as you used to be?", voire même parfois répéter sans fin deux syllabes qui en perdent tout sens, avec ce ton usé quelque part entre la fatigue et la mélancolie pour comprendre que, finalement, toute la puissance dramatique du groupe est toujours là. Et, sur Real Love, le résultat est à pleurer, un piano sensible et un léger drone accompagnant Victoria, bouleversante, "There's something wrong with our hearts/When they beat pure, they stand apart". Derrière sa pochette ivoire et zébrée, "Teen Dream" reste un album finalement mélancolique, où les douces rêveries cachent la solitude délicate et la tristesse, comme dans la valse finale Take Care et son long final choral en fade out.

Au final, "Teen Dream" porte merveilleusement bien son titre, entre émotions franches de post-adolescents-pour-la-vie et ambiances rêveuses, et reste clairement l'un des meilleurs albums de l'année pour l'instant, c'est-à-dire tout ce qu'on pouvait attendre d'eux. Et les questions et autres reproches possibles sur ce que l'on pourrait faussement considérer comme une stagnation ou une quelconque uniformité molle ne sont donc finalement pas pertinents pour "Teen Dream", et sont plutôt à garder pour leur quatrième album si vous le voulez bien. Nous n'en sommes pas encore là. Pour l'instant, c'est l'heure de gloire de Beach House, et ils l'ont mille fois méritée.





Emilien.

13 commentaires:

  1. Cela résumera sans doute le sentiment de bien des gens (moi le premier). Chaque album a marqué une étape. Après le deuxième, je n'imaginais pas de progression possible. Teen Dream a simplement repoussé d'un échelon ma notion du "très bon".

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  2. moi, ça m'énerve les albums de l'année qui sortent en Janvier, j'attendrai donc le mois de décembre pour l'écouter ...

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  3. Cela n'avait pas l'air de t'ennuyer l'année dernière ! Ou bien je me trompe et tu as attendu Décembre pour écouter Merriweather Post Pavillion :D

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  4. J'aime bien ce groupe mais dès la deuxième chanson terminée, j'en ai déjà marre et je veux changer de disque !

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  5. C'est une drôle de façon de "bien aimer" un groupe cher anonyme, mais pourquoi pas!

    djeep : ah, on a pas dit que Teen Dream était déjà l'album de l'année qui vient en avance ça. On réserve ça pour HEARTLAND, n'est ce pas?

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  6. Ben j'aime bien, je trouve que c'est bien ce qu'ils font, mais aussi vachement chiant, j'ai vite envie de changer à chaque fois.

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  7. Moi, le souvenir que j'en ai c'est que les 2 albums précédants étaient hyper chiants, alors évidement je ne vais pas sauter sur celui là, en revanche pour ce qui concerne Animal collective c'est une autre histoire, mais je préfère me taire, il me semble que personne ne comprendrai ici :D.

    ps : et puis Heartland, pareil il attendra décembre aussi celui là.

    pour info ya le nouveau archie bronson outfit qui s'en vient pour ceux que ça intéresse,

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  8. Mmm, effectivement, si tu as trouvé les précédents chiants (quelle hérésie ahah), c'est sur que ça n'aide pas.

    mais sinon, tu veux dire que tu n'as toujours pas écouté Heartland et que tu comptes le faire en décembre? WWWTTTFFFFFFFFF!!

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  9. Je précise que j'adooooore Teen Dream alors que OUI je trouvais l'album précédent (je n'ai pas écouté le premier) un peu chiant, OUI. Donc tout peut arriver.

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  10. Question vraiment sincère : à mi-2010 passé, y'en a encore beaucoup qui écoutent cet album avec délectation ? Pour moi la magie des premières écoutes a laissé place à un certain ennui, pour ne pas dire une gêne.

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  11. Si señor ! C'est peut-être lié à leur prestation en Juin 2010 à Paris, qui était transcendante, mais cet album est toujours parmi mes favoris de l'année, et l'un de ceux que j'écoute encore beaucoup.

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  12. Je dois dire que ce n'est pas un album qui convient très bien à la saison à mes oreilles, mais je l'écoute tout de même encore assez régulièrement et avec le même plaisir qu'il y a 6 mois, tout en me rendant clairement compte que j'ai une préférence plus nette pour Devotion, mais peu importe.

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  13. pareil que toi Joseph^^
    c'est un album que je trouve finalement assez mauvais tant je n'ai plus aucune envie de l'écouter et que les chansons me révulsent presque dès que je m'y risque... ça vieillit très, très mal pour moi aussi... :/

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