C'est entendu.

dimanche 3 janvier 2010

[Fallait que ça sorte] A la mémoire de ce bon vieux Bill !

Seul, sans maison de disque, Bill Fay n'enregistra plus rien pendant trois décennies. Sans doute la réaction logique aux deux échecs cuisants de ces œuvres pour lesquelles il s’était investi pleinement. Cette fois-ci, Bill ne retourna pas en studio. Il fut oublié, tenu à l’écart de la sphère musicale, des modes et tendances. Pourtant, le futur lui réservait une exposition nouvelle et inattendue.

Bill en studio au début des années 70

Bill Fay ne fut pas oublié par tout le monde. En 1998, See For Miles Records réédita ses deux albums sous la forme d’un coffret 2 CD, "Bill Fay/Time Of The Last Persecution…Plus," et le petit mouvement en mémoire de l’artiste poussa jusqu’en 2004, date à laquelle le label Wooden Hill proposa au public une compilation, "From The Bottom Of An Old Grandfather Clock," réunissant des prises studios restées inutilisées et des démos, réalisées entre 1966 et 1970, ce qui permit de découvrir des versions alternatives de certains morceaux des deux premiers albums, souvent moins orchestrales (Bill y entonne à la voix les parties réservées auparavant aux violons et autres). Mais pas que. On y trouve aussi des inédits et sur les 25 titres, 16 sont «nouveaux», très efficaces, d'un esprit pop très bien mené, très anglais, et munis de quelques arrangements jamais utilisés sur les albums précédents (certaines voix doublées, le delay, etc). Là encore, certains éléments fondamentaux chez Fay sont présents, et les compositions sont lumineuses. L’album compte bon nombre de morceaux très accrocheurs, comme Bill a montré qu’il savait les faire (Warwick Town, Maximes Parlour ou encore Katie & Me), qui cohabitent avec des choses plus intimistes, plus épurées, telles qu'un Brighton Beach brillamment mélancolique, ou Camille. De par les titres qui le constituent, "From The Bottom…" peut pleinement revendiquer sa place au sein de la discographie Fayienne, et non pas y figurer comme une simple « compilation en souvenir de… ». L’esprit des morceaux des deux premiers albums y est bien présent, et le fait de se dire qu’après les deux échecs consécutifs de 70 et 71 on n’avait pas encore tout entendu et que 33 ans plus tard la découverte était toujours possible, rend l’écoute vraiment inoubliable, et très triste, naturellement. De plus, la qualité de l’enregistrement, parfois assez approximative donne à l’œuvre un côté nostalgique vraiment touchant. Le constat est donc là : entre 1966 et 1971, Bill Fay aura été bouillonnant de créativité, et son début de carrière, vraiment vertigineux, pouvait laisser entrevoir de brillantes perspectives…


Warwick Town

Cependant, si dans le fond cette entreprise destinée à renforcer la trop inexistante mémoire liée à Bill Fay est tout ce qu’il y a de plus louable et réussie, dans la forme, la juxtaposition de versions différentes (mais pas tant que ça) de classiques Fayiens avec des inédits, laisse une impression quelque peu mitigée. On écoute l’album moins pour sa globalité que pour entendre de nouvelles versions des classiques et aussi, dans un second temps, pour découvrir les inédits, comme c’était le cas pour les deux premiers disques. Le plaisir y est, mais différemment. Une édition avec un CD réservé aux inédits et un, bonus, compilant les « out-takes », se serait sans doute avéré plus judicieuse. Mais bon, dans ce genre de situation, la volonté des labels d’essayer de sortir Bill Fay de son oubli ne peut-être que bien accueillie par les auditeurs. Et puis, il faut dire que "From The Bottom Of An Old Grandfather Clock" a eu la chance de se voir muni d’une pochette qui colle parfaitement à la dimension de l’artiste. On l'y voit en effet poser avec son père, au premier plan, jeune et frais : l’authenticité est là dès le premier coup d’œil.

Mais, à côté de ce mouvement plutôt extérieur à Fay, il subsiste une ultime tentative de ce dernier, au sein d’un groupe, le Bill Fay Group, qui livra en 2005 un album répondant au nom de "Tomorrow Tomorrow and Tomorrow" (chez Durto Jnana).


Sur cet album, les compositions diffèrent. On sent bien que le ton a changé : les effets utilisés, notamment sur les voix, parfois, et l’arrivée de synthétiseurs façon "début des années 80" donnent à l’album un visage plus moderne encore, et peut-être un peu trop. On ne retrouve plus qu’une mince parcelle de la patte de Bill Fay, ce qui par ailleurs est tout à fait normal car c’est là un travail de groupe, Bill n'étant qu'un de ses membres (bien qu’il soit sans doute le leader). Cet album, selon moi, n'entre pas intégralement dans la discographie de Fay. Il est teinté d'un esprit différent, une autre atmosphère, et les éléments qui ont su auparavant nous mettre la puce au premier coup d'oreille sont plus ou moins absents. D’une manière générale, on ne les y retrouve que par fragments, ce qui explique la brièveté de l'exposition de l'album au sein du présent article. Rien n’est mauvais, mais rien ne brille d'originalité comme c'était le cas auparavant. "Tomorrow…" pourrait faire figure d’album lambda, sans intérêt réel. Cependant, preuve que Fay aura toujours tenté de rester fidèle à lui-même, on retrouve Goodnight Stan en quatrième position sur l’album. Pas l’originale, ça tombe sous le sens, mais bel et bien une version revisitée par le Bill Fay Group, avec des sonorités différentes, pour un rendu final réellement inférieur à celui de la « vraie » version.


Goodnight Stan

Que l'on apprécie ou non, il faut ici savoir lire entre les lignes l’intention de Fay, qui adresse un ultime signe de main à l’auditeur qui l’a écouté au fil du temps, et quoiqu’il en soit, le geste est beau.


Depuis lors, plus rien. Ni album ni chanson. A ceci près qu'entre 1970 et 2006, des titres tels que Screams In The Ears (très majoritairement) ou Garden Song se sont trouvés présents sur pas moins de 8 compilations, Fay s’est mis au vert, mais continue d’exister au travers d’apparitions scéniques, notamment aux côté de Jeff Tweedy, chanteur et guitariste du groupe Wilco (accessoirement fan inconditionnel de Bill Fay et dont il recommande vivement l’écoute, tout comme O’Rourke, dans certaines de ses interviews). La dernière apparition en date de Fay sur scène était d’ailleurs aux côtés de Wilco, le 21 mai 2007, au Shepherds Bush Empire, à Londres.

On ne peut que regretter que Bill Fay ne soit pas considéré comme une figure emblématique des années 70, et qu'au lieu de cela, il soit aujourd’hui, un parfait inconnu aux yeux de tous. Un sort cruel que le sien, partagé par nombre compositeurs des années 60 et 70, comme Nick Drake, Billy Nicholls, et tant d'autres oubliés qui ne demandent qu'à être redécouverts...



Hugo

4 commentaires:

  1. au début j'avais lu "à la mémoire de ce vieux con de Bill" !

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  2. Merci pour ces articles qui m'ont fait découvrir un type que j'aime de plus en plus ! :)

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  3. voilà, le nouveau 2cd est sorti! écoutez deux morceaux (no download) sur uzine dot posterous dot com

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