C'est entendu.

samedi 26 décembre 2009

[Fallait que ça sorte] La Passion de Bill Fay

L’homme aux mains vertes n’est pas du genre à capituler après un échec commercial. Il remet ça, et sans plus attendre, car on accueillera la sortie de son deuxième album, "Time Of The Last Persecution," un an seulement après le premier, en l’an de grâce 1971. L’homme de Garden Song livre une œuvre qui dévoile en lui une grande piété, pourtant déjà évoquée par la pochette du premier né de ses disques.


En effet, les références à la religion sont multiples dans les paroles (rencontre avec le Messie dans un bar (Omega Day), intervention vocale du-dit Messie (I Hear You Calling), attente de son retour (‘Till The Christ Come Back), scène manichéenne dans Release Is In The Eye, ("Christ is in the bathroom/Look in any mirror on the wall/And Satan's in the garden shed/He' like to screw you all "), etc). Cette dimension nouvelle est sans doute la justification du ton de l’album, moins magistral, moins orchestral que le précédent. On trouve ici un Bill Fay s’ancrant dans une pop peut-être plus traditionnelle, un peu moins marquée. Le lyrisme religieux assagit quelque peu la composition de Dust Filed Room, mais il serait faux de prendre "Time Of…" pour le disque d'un Fay vidé de sa substance.

Bien au contraire, la dimension profonde et mélancolique est toujours bien présente durant l’écoute. Pour ne citer qu’elle, Tell It Like It Is est un monument d’émotions et de sentiments. Et bien que cet album puisse sembler plus épuré, les orchestrations n’en sont pas pour autant absentes. C’est une richesse dont Fay ne saurait se passer. On retrouve donc avec plaisir un certain nombre d’éléments déjà présents sur "Bill Fay," mais "Time Of…" en apporte tout de même de nouveaux.

L’album développe en effet un motif conceptuel au travers de trois morceaux : Laughing Man, Come A Day et Let All The Other Teddies Now. Il y a interaction entre eux, on retrouve des éléments de l’un dans l'autre (le piano de Laughing Man réapparaît dans la deuxième partie de Let All The Other Teddies Now, et les trois morceaux partagent un final relativement identique, expérimental, avec ces solos de guitares rapides et hachurés, en total décalage avec le reste de l’album (bien que d’une manière générale, les solos de guitares soient plus utilisés que sur "Bill Fay"). Par ces touches inattendues et radicalement différentes, Fay donne à son travail un visage moderne, et c’est en soi une grande nouveauté. La plupart de ses compositions est marquée par son époque. Clichées diront les mauvaises langues. Des témoins, en tout cas, d’un certain style, et la surprise amenée par les conclusions de ces trois morceaux brouille un peu les pistes, ce qui est également appréciable. Bill Fay a quelque peu changé, d’un album à l’autre. Oui, si en 70 il représentait l’anglais stéréotypé, avec force chaussures de ville et manteaux aux genoux, l’année 71 sera témoin d’une barbe fertile, et de longs cheveux en bataille. Mais qu’importe, Fay reste tout de même fidèle à lui-même, avec notamment ce chant,toujours maîtrisé, toujours absolument touchant et cette brillante maîtrise du piano. Même si dans la forme, sa musique et lui-même ont subi des modifications, dans le fond, la substance reste quasiment intacte.

"Time Of The Last Persecution" s’inscrit donc dans la lignée de "Bill Fay," sans pour autant être une suite logique. Le choix de Fay d’abandonner un peu de sa hauteur orchestrale stratosphérique fut sans doute motivée par l’échec de son premier album. Quoiqu’il en soit, le deuxième opus ne fut pas mieux accueilli, ni par la critique ni par le public. À tel point que Decca Records mit fin à son contrat avec l’artiste peu de temps après la sortie…

Pour la petite histoire, Jim O’ Rourke, responsable de la BO de United Red Army, le film de Koji Wakamatsu sorti en 2009, a repris Pictures Of Adolf Again, pour en faire le morceau phare du film. Cette lueur d’espoir apportée par l’américain exilé au Japon est vraiment la bienvenue. Malheureusement, "Time of The Last Persecution" devait être le dernier album de Bill Fay.



Hugo

1 commentaire:

  1. Il y a un extrait dans le lecteur grooveshark, mais le mieux reste évidemment d'écouter l'album en entier, il s'y prête !

    RépondreSupprimer