C'est entendu.

mercredi 23 septembre 2009

[Vise Un Peu] Times New Viking - Born Again Revisited

Si vous avez bonne mémoire, vous vous souvenez peut-être que j'avais publié il y a quelques mois une diatribe plutôt négative sur ce nouveau mouvement Shoegaze, a.k.a. les groupes de rock d'école primaire qui s'enregistrent exprès avec un son sale. Il devait y avoir une deuxième partie à cet article, un article sur les groupes de ce mouvement, mais je ne l'ai jamais fait, pour la simple et bonne raison que ça me gonflait de parler de groupes qui sont pour la plupart inutiles et mauvais. En soi, cette absence de suite était une suite tacite et conceptuelle, ma manière à moi de dire "on en a vraiment rien à foutre de ces losers". Depuis, Wavves a fatigué tout le monde, les remasters des Beatles sont sortis et l'été est mort : le shitgaze est déjà has-been, et ce n'est sûrement pas le nouvel album des Times New Viking qui viendra changer la donne, tout le monde s'en fout, personne n'aime ce groupe de toute façon, c'était de la posture, même Pitchfork va trouver l'album bon mais pas aussi bon qu'avant si ça se trouve.


"No Time, No Hope"


Et pourtant, bizarrement quoiqu'au moment opportun, Times New Viking a enfin réussi ce dont on les croyait capables depuis "Present The Paisley Reich" (en 2007) et qui avait été confirmé l'année dernière avec le très réussi "Rip It Off ": faire un album de rock convainquant, honnête, efficace, dont l'écoute accroche l'oreille non pas à cause de la production, mais uniquement grâce à des morceaux. En soi, tout ce qu'il manquait à Times New Viking, car ils avaient déjà l'énergie, le talent et l'attitude nécessaire, c'était des morceaux vraiment excellents sur toute la longueur d'un album qui ne lassent pas au bout de 24 heures. Et c'est exactement ce que l'on a ici ; plus matures peut-être avec le temps, mais au meilleur de leur forme, le trio de Colombus fait de "Born Again Revisited" son chef d'œuvre. Certes, pour tous ceux qui avaient adoré Rip It Off (vous êtes peu nombreux) et tout ceux qui l'avaient haï aussi, cet album sonnera presque comme une redite. Mais c'est dans les détails que l'album se joue, et le groupe a tout simplement élargi ses morceaux : ils ont plus de puissance, plus d'ampleur, et vont même jusque dans des territoires que le groupe semblait ne jamais explorer. Pour preuve, l'excellent Martin Luther King Day surprend en ouverture d'album, et pas seulement à cause d'un son "25% plus propre" comme le proclamait le batteur à la presse (et c'est vrai d'ailleurs, pour cet album, ils ont pas donné le master au label Matador sur une cassette audio, mais sur une VHS), non, il surprend car le groupe ralentit le rythme, se calme par intermittence, et y est d'une assurance démentielle. Carré, angoissé, entêtant, avec une violence en sourdine, c'est un morceau d'un groupe qui sait parfaitement où il va et qui a su marquer sa musique d'une empreinte qui n'appartient qu'à lui.

Times New Viking est un groupe issu de plusieurs héritages, comme la plupart des groupes indépendants d'aujourd'hui qui n'inventent plus rien : Il y a l'héritage du rock primitif des 60's, le synthé omniprésent dans l'album évoquant les orgues électriques du garage rock, principalement sur des morceaux comme City On Drugs. On trouve aussi en vrac le punk rock, les groupes d'indie pop DIY des 80's (passez certains morceaux de The Clean avec de la distorsion, ça fait un peu du Times New Viking), le rock indépendant américain des années 90, un peu de noise rock, au bonheur du name-dropping. Certes, il y a tout ça, mais le groupe en est arrivé à un point où il n'évoque plus que lui-même. I Smell Bubblegum, c'est les guitares de Sonic Youth qui font du punk rock d'une certaine manière, mais c'est surtout une musique personnelle qui revisite une certaine manière de faire du rock. Si les territoires explorés ne sont pas totalement vierges, ils sont en tout cas présentés d'une manière tout à fait originale et personnelle, et c'est ça qui fait la différence. Aucun passéisme chez les Times New Viking, regardez la pochette, le mot Woodstock est barré, le signe de la paix est usé sur une vieille photo. Ils sont à la fois un résumé et un nouveau chapitre, à la fois largués par rapport à la production actuelle et complètement en adéquation avec leur époque, dans la musique et dans les thèmes.

On l'a vu, la jeunesse des 00's est (ou a été?) un peu larguée et molle, coincée entre un pessimisme pesant face à un avenir grisâtre et un certain je-m'en-foutisme juvénile pour avaler la pilule du temps qui passe plus facilement. L'album est l'écho de tout cela. D'une part, il y a ce côté pop, ce que Times New Viking est incontestablement. Derrière les attaques soniques il y a les mélodies branleuses qui accrochent, les riffs qui rentrent dans la tête. Que ce soit dans le syncopé du morceau-titre ou dans le refrain de l'hymne de notre époque No Time, No Hope, (réponse explicite au New Times, New Hopes issu d'un précédent album) tous les morceaux montrent une science de la composition simple et franche qui pourrait impressionner si elle n'était pas aussi modeste et naturelle, sans même avoir l'air de faire des efforts. Mais il y a parallèlement ce côté plus sombre, plus pessimiste et plutôt fascinant car il se mêle insidieusement à la pop pour créer des chansons hybrides et glauques comme le génial Little World, morceau qui impose à l'auditeur une ambiance inconfortable pendant 96 secondes impressionnantes. Sorte de monument de l'album puisqu'il trône avec ses 3m47, 2/11 Don't Forget, avec son orgue répétitif et son ambiance traînante réussit même à convaincre en jouant plus sur la longueur, la répétition, la tristesse que l'efficacité. Gueule de bois et énergie post-adolescente se mélangent.

Alors certes, il y a toujours cette production dure, rêche, sale, distordue qui rebutera la plupart des auditeurs. Moins appuyée qu'avant, mais toujours omniprésente. Mais c'est à la fois une partie intégrante de la musique (la distorsion générale renforce souvent l'énergie des compositions) et une sorte de barrière qu'il faut franchir. Car, une fois habitué au "son" Times New Viking, qui n'est pas qu'un gadget chez eux au moins (vous savez qui je vise), cet album s'écoute avec une facilité désarmante tant il se révèle pop. En soi, l'effort pour rentrer dans l'album à cause de sa production est tout aussi compliqué qu'avant pour le néophyte. Mais cette fois ci, il vaut vraiment le coup.


"Move To California"


Il faut écouter Move To California, qui achève presque l'album : c'est quasiment le meilleur morceau du groupe. Mettant le bruit en sourdine un instant, le morceau est empreint d'une certaine mélancolie totalement désarmante. Il y a une obscurité dans ce morceau, une fatigue, un côté Yo La Tengo, une rythmique appuyée géniale et des accords un peu tristes. Une nuit d'hiver, une voiture qui roule sur une route déserte, plein d'images. Soudain, Times New Viking n'est plus seulement ce groupe bruyant, mais un véritable groupe de rock, qui sait écrire des morceaux comme celui là, des morceaux qui font ressentir des choses, des morceaux qu'on a envie d'écouter en boucle pour des raisons pas vraiment précises, juste parce qu'ils sont différents. Et il n'y a plus de production sale ni d'esthétique shitgaze qui tienne, il n'y a plus que de la musique. Un refrain génial qui fait "Move to California/Move to California/I heard you'll have a better time/We'll start it up again". C'est peut être tout ce qu'il y avait à dire depuis le début : Times New Viking est un excellent groupe. "Born Again Revisited" est un excellent album.


Emilien.

4 commentaires:

  1. Mon avis sur la question est que l'album est exactement ce que tu dis. Il est super, il est pop, avec de bonnes mélodies, paroles et tout. Après ça reste juste 25% moins crade qu'avant donc c'est toujours pas trop écoutable en comité autre que "juste moi," mais ça n'empêche pas que c'est le premier album de shitgaze que je ne jette pas avec mon verre dans la benne de recyclage dès après une seule écoute. ce qui est un fameux bon point.
    J'ajoute que ma préférée est pour le moment Martin Luther King day.

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  2. putain c'est la deuxième fois que je passe sur ce blog par hasard et deuxième fois que je tombe sur des articles de merde... je pense qu'ils sont tellement inutiles et que tu n'as rien compris au mouvement, certes à la mode mais ça tue personne d'aimer ce qui ce fait, lo-fi/shoegaze... en fait ici ça pu le trentenaire aux cheveux blanc mega agri...

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  3. Donc en gros c'est être aigri que d'aimer un disque. Ok !

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  4. Ce que je préfère c'est la description "trentenaire aux cheveux blancs", qui sied tellement à Emilien.

    En tout cas on doit être bien référencé dans Google pour que tu tombes deux fois par hasard chez nous, c'est cool.

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