Une basse, des percussions, des voix. Le tout sur un seul accord et avec des mélodies ultra simples. Parfois, vous avez pas besoin de grand chose d'autre. Less is more. Et personne d'autre qu'ESG n'a su démontrer ça avec autant de brio. Ce groupe ovni est une bizarrerie musicale folle mésestimée qui mérite totalement un coup de chapeau, que ce soit dans le cadre de l'été des oubliés ou dans celui de notre cycle sur la basse.
Imaginez : Les soeurs Scroggins vivent dans le sud du Bronx dans les années 70, et écoutent James Brown. Leur maman, ne voulant pas qu'elles tournent mal, leur achète des instruments de musique. Principalement des percussions parce que ça coûtait moins cher. Pour les occuper. Ça donne quoi quelques années plus tard? ESG, un groupe culte, fondé en 1978, injustement méconnu et pourtant beaucoup samplé, des Beastie Boys aux Liars (réponse hilarante du groupe face à ça dans le nom d'un e.p. : "Sample credits don't pay our bills") , qui a tout simplement créé un sens du groove minimaliste visionnaire et jouissif. Un groove qu'on a énormément entendu depuis, surtout dans les années 2000, pour le meilleur (que serait LCD Soundsystem sans ce groupe ?) comme pour le moins bon (vous vous souvenez de Dance To The Underground de Radio 4 way back en 2002 ? Le riff de basse était pompé sur Moody d'ESG). Il faut dire que ESG ne ressemblait à rien de connu ni à l'époque, ni aujourd'hui, et sonne pourtant comme un groupe familier, un groupe qui parle à tout le monde. Entre des percussions répétitives complètement frénétiques dont les polyrythmies feraient danser un mort, des basses funky parfaitement en adéquation avec l'état d'esprit post-punk qui était partout en Angleterre (je parle des basses à la Public Image Limited ou A Certain Ratio, deux groupes dont elles ont fait les premières parties), quelques guitares sombres toutes droit sorties de la no-wave new-yorkaise la plus crasseuse (leur tube UFO a un "riff" basé sur des bruits dissonants de guitare terrifiants), et un côté limite Motown dans les mélodies et les chœurs, il y a une espèce de recette ESG, invariable et impeccable, à la fois lugubre et joyeuse, mais toujours d'une efficacité redoutable.
Une preuve concrète, ce qui est peut être l'un de leurs meilleurs morceaux, extrait de leur premier album Come Away With ESG, sorti en 1983 (un album indispensable à toute bonne discothèque, et qui n'a pas pris une ride) : Dance (que vous trouverez dans le player à gauche). Tout est dit dans les 30 premières secondes de ce monolithe de 4 minutes et demi. Tout est là, la batterie qui appuie un rythme binaire implacable, le tambourin et les claps qui tuent, la voix entêtante et soul qui vous lance "Well, I went to a party/And I wanted to dance all night (...) I want to DANCE!", puis surtout la basse, invariable, groovy en diable qui monte et qui descend tout en restant sur un même accord sans fin, une basse sombre, même pas mise en avant dans le mix, mais qui soutient le morceau à elle toute seule. Le morceau n'évoluera jamais, tout juste un genre de refrain, et puis des passages sans basse où la batterie balance des breaks à pleurer. Le but, c'est de créer une transe par la répétition non stop. Que le morceau dure 1 minutes ou 15, peu importe, il n'y a qu'une rythmique sans fin qui ne devrait de toute façon jamais s'arrêter et qui fonctionne miraculeusement. Les paroles sont réduites à un minimum vers la fin, où il n'y a plus que des "Dance!" des "Well well well", et puis des "Yii Yii Woo Woo Woo!" aigus. Reste ce beat, ininterrompu, invariable, métronomique et, putain, tellement dansant.
Précurseur? Pas qu'un peu, ESG est une pierre angulaire d'une grosse partie de la musique qu'on peut écouter aujourd'hui, un groupe qui mérite sa réputation et qui a marqué autant la dance music et le rock que l'électro ou le hip-hop, un groupe que je n'hésiterais pas à qualifier d'important, et ayant sa place dans l'histoire de la musique rock moderne. Laissez moi vous dire que ça, c'est pas donné à tout le monde. A une soirée parfaite, tout le monde danserait sur ESG. Mais tout comme il n'y a pas de bonne musique dans les soirées, il n'y a pas de justice dans ce monde, et ESG reste un groupe méconnu. Alors aidez-nous à propager la bonne parole et à faire découvrir ESG à tout le monde. Pour qu'enfin, en entendant la plupart de la musique arty dansante qui sort actuellement, vous puissiez dire vous aussi, d'un ton snob quoique tout à fait honnête : "ouais, bof, ESG faisait déjà pareil mais en mieux y'a plus de 25 ans".
Emilien.
Je les ai vu en live au trans de Rennes et ces filles sont plus toutes jeunes mais elles dégagent une fraicheur, une sympathie et une énergie communicative et jubilatoire à découvrir absolument.
RépondreSupprimerOwwowwwwwwwoww, Laureeeeeen Marie ! Owoowwwwwwwooooooowww, Laureeeen Mariiiie !
RépondreSupprimerESG le faisait avant, et en tout aussi nul !
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