
Cet album vieux de dix ans donne l'impression d'être millénaire. Le terme "rock" est difficile à accepter mais semble être ce qui convient le mieux pour décrire ces guitares méphitiques. Véritable cliché kitch, les mélodies sont grotesques. Quant à la basse qui vomit ses lignes gâtées, on ne peut que s'émerveiller devant une dose aussi disproportionnée de mauvais gout. Au final, on a l'impression d'entendre l'étron de quelques amis enivrés qui, sur un coup de bouffonneries alcoolisées, ont attrapé leurs guitares, sans gène et sans prétention. C'est comme de se retrouver devant le regard naïf d'une belle fille ingénue, on ne peut s'empêcher de trouver du charme à ces mélodies candides.
Le talent littéraire de Houellebecq, symbole du postmodernisme français - que vous l'aduliez ou le détestiez, n'est pas en question ici. Son chant (apparenté à un sprechgesang bashungnien, toutes proportions gardées) est imagé et se développe en aphorismes :
Nous sommes réunis, nos derniers mots s'éteignent
La mer a disparu
Une dernière fois, quelques amants s'étreignent,
Le paysage est nu

(La chanson Présence Humaine)
La voix de Houellebecq, presque amusicale, donne l'impression déroutante d'entendre une lecture publique accompagnée inopinément par un orchestre intrus, lequel se fatiguerait vainement à créer une présence musicale rapidement oubliable.
Michel Houellebecq n'a pas la prétention d'être mélomane (du moins il me le semble) et encore moins d'être musicien (du moins je l'espère). "Présence Humaine" est pareil à ces architectures délabrées, ratées dont la laideur donne à nos villes leur essence. Cet album est mauvais, terriblement mauvais, et c'est précisément ce qui lui donne sa légitimité, sa place et sa valeur...
Julien Masure
P.S. : voyez cette "très belle" interprétation de Présence Humaine sur le plateau de Michel Drucker.