C'est entendu.

vendredi 11 novembre 2011

[45 Tours] Blur - Best Days

La chanson a maintenant plus de quinze ans et chacun de nous, ou en tout cas chacun de ceux qui l'ont écoutée et interprétée à l'époque ("The Great Escape", le quatrième album de Blur, le dernier de leur trilogie britpop, a paru en 1995), peut désormais réécouter Best Days et établir un constat. Damon Albarn chantait alors le quotidien peu glamour d'un chauffeur de taxi, d'un type inhibé titubant chez lui et de l'Angleterre prenant le train vers la campagne en concluant que même si personne ne voudrait l'admettre, c'étaient là les plus beaux jours de nos vies. Une drôle d'affirmation et l'on peut comprendre le besoin d'Albarn de préciser l'évidente désapprobation générale de son idée. Et pourtant...





N'avait-il pas raison ? Qu'il ait chanté ça de façon très personnelle (Albarn devait se séparer de Justine Frischmann quelques mois plus tard et enchainer avec deux albums bien moins enthousiastes), en pensant à la scène britpop (qui ne survécut pas vraiment à l'année 1997) ou à toute l’Angleterre (moyenne) et par là, à la classe moyenne internationale qui prospérait au milieu des années 90 et n'avait semble-t-il prévu ni le 11 Septembre ni le Moyen Orient ni la Dette et qui nonchalamment prospérait, j'ai l'impression que Damon avait vu juste et je réécoute souvent cette chanson en me souvenant de ma propre enfance, de ma chance d'avoir vécu la fin des années 80 et le début des années 90 dans une parfaite insouciance (jusqu'en 1997, la fin du rêve familial à titre personnel et le début de la Gauche-En-Eau-De-Boudin en France et en Angleterre). Il y a quelque chose de très nostalgique dans le chant et la guitare d'Albarn sur cette chanson qui appelle "Blur" (1997) de ses vœux, et pourtant, on entend encore des violons au loin, la basse d'Alex James, penaude sur les couplets, prend du poil de la bête et monte et descend les marches de la joie sur les refrains, tout comme la guitare de Graham Coxon qui semble faire de la descente une profession de foi après le premier refrain, comme si elle s'enfonçait au plus bas d'une cave. Le symbole de ces "Meilleurs jours de nos vies", c'est ce piano, à la fin, qui se lance dans un solo qui rappellerait presque les Kinks s'il n'était aussi peu grandiloquent. Ce bonheur représenté, ce piano agréable, beau mais sans superbe, et c'est là tout le dilemme du problème posé en réalité par Albarn, (si ces jours-là étaient bien les meilleurs, étant donné ce à quoi ils ressemblaient, la routine, le quotidien d'une classe m o y e n n e, devons-nous vraiment les regretter, et n'y'a-t-il pas des raisons d'espérer mieux ?), ce piano est l'une des plus belles et des plus insidieuses questions posées à sa société par un songwriter pop dont la perspicacité et le talent continuent de m'épater.


Joe Gonzalez

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