C'est entendu.

lundi 25 juillet 2011

[Fallait que ça sorte] Placebo - Placebo, ou la raison pour laquelle Brian Molko doit sa carrière à Robert Schultzberg

Si l'on daigne encore se pencher sur la discographie de Placebo, dont la courbe qualitative quasi verticale est plus vertigineuse qu'un décolleté de porn star octogénaire (*1), un seul album mérite d'être réécouté : le premier. A l'instar du rappeur débutant sublimé par un producteur éclairé, et dont le talent s'effondrera à une vitesse inversement proportionnelle au nombre de liasses récoltées grâce à son premier jet (on ne parle plus de porno là, suivez un peu), Brian Molko doit tout à un homme, et non, il ne s'agit pas de son grand dadais préféré Stefan Olsdal, bien que celui-ci lui ait toujours laissé la vedette, maintenant consciencieusement le volume de son ampli réglé sur Molko moins 1.

Aujourd'hui, pour le commun des mortels, Robert Schultzberg n'est personne. Un batteur de studio parmi tant d'autres, avec un groupe ultra-mineur fraîchement débandé (*2), et qui travaille aujourd'hui sur un album solo. Enfin, ça c'est ce qu'il a mis sur sa page Wikipédia pour que sa maman continue à lui envoyer de l'argent tous les mois : "Regarde maman, ils en parlent sur l'Internet !". Petit Robert, sache qu'au fin fond de la France, quelqu'un s'extasie toujours sur ta geste accomplie en l'an de grâce 1996.


En ces temps-là, un de tes potes, Stefan Olsdal - encore lui - t'avait proposé de venir travailler sur quelques compos de son duo Ashtray Heart. L'autre membre, Brian Molko, penchait pour un autre batteur qui n'était pas disponible, le fadasse Steve Hewitt. Et, preuve qu'il n'avait le nez creux que quand il s'agissait d'y fourrer de la coke, c'est finalement ce batteur qu'il te préfèrera. Entre temps, tu lui auras juste assuré une décennie de crédibilité, avant que l'on ne réalise la supercherie et que le nouveau David Bowie ne se révèle être qu'un nouveau Billy Idol.



(Come Home)


BAM BAM BAM BAM BAM BAM BAM BAM. Comme un symbole, c'est Schultzberg qui ouvre l'album. Son talent éclabousse les oreilles de l'auditeur avisé dès les premières secondes de Come Home. La chanson est pleine de vide mais Schultzberg va lui donner vie à l'ancienne, suivant un bon vieux plan en trois parties. La dernière, qui apparait à deux reprises (2:34, puis 4:22), est probablement l'un des meilleurs riffs de batterie qu'il m'ait été donné d'entendre.

Chanson après chanson, on s'aperçoit que Schultzberg a joué les morceaux du début à la fin, que ses parties de batterie ne sont pas de bêtes samples accolés les uns aux autres. Ça n'a rien d'un exploit bien sûr, mais ce n'est pas si fréquent ; et surtout, on s'en aperçoit parce qu'il ne joue jamais de la même façon. Il va toujours glisser un petit détail, ici une ride, là un infime roulement, de sorte que l'on n'entende jamais un plan répété deux fois à l'identique. L'exemple le plus frappant est sa contribution à la chanson Hang On To Your I.Q., toute en puissance et en subtilité. Je pourrais écouter sa partie a cappella pendant des heures.



(Hang On To Your I.Q.)


Il faut savoir que l'apport de Schultzberg sur "Placebo" ne s'est pas limité à cogner du fût : il a aussi participé à la production de l'album. C'est probablement grâce à lui que la batterie est si bien mise en valeur dans le mix, tout en gardant un son sec et subtil - un son qui sera abandonné sur les albums suivants, au profit d'une prod plus tape-à-l’œil.



(Bruise Pristine)


Je ne vais pas vous mettre tout l'album en écoute, mais comment oublier sa performance sur Bruise Pristine, avec ce break de l'au-delà qui démarre à 1:43 ? On parle souvent du rôle de Dave Grohl sur la chanson Scentless Apprentice, mais ça, Schultzberg l'a fait 10 fois sur cet album. Seulement, il tape moins fort, alors les gratteux ne l'ont pas entendu. C'est sa malédiction : "Placebo" est un album très sous-estimé car "Placebo" est un album de batteur. Or personne n'écoute jamais les batteurs. Personne.


Joseph Karloff


(*1) : Mais est-ce que ça existe seulement ? Les porn star c'est un peu comme les cyclistes non ?
(*2) : De l'anglais
disbanded.

3 commentaires:

  1. Ouais ! Pour compléter l'article, je suis tombé sur cette interview de Schultzberg datant de 2007 : http://www.placebocity.com/forum/sujet-6799-1.html ; le bonhomme semble être très sympathique et lui aussi apparemment est assez fan de cet album. (normal, c'est un batteur)

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  2. ouais il fait partie de ces quelques classiques "adolescent angoissé" des années 90/2010 que tt le monde réécoutent une dernière fois avant de se lancer sans se retourner dans le grand corporatisme

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