C'est entendu.

vendredi 24 juin 2011

[Alors quoi ?] Considérations du matin d'après le matin d'après le matin d'après

Le matin d'après le matin d'après le matin d'après car il aura bien fallu trois jours à ceux qui se sont risqué dans les rues de leurs villes Mardi soir, pour se remettre de la dernière édition de la Fête de la Mus... non, je plaisante. Je ne vais tout de même pas me lancer dans une nouvelle diatribe contre la Fête de la Musique ou du moins contre la façon dont elle est conçue par le plus grand nombre. (il n'y a qu'à voir l'affiche "officielle" de cette année). Je l'ai déjà fait et vous savez ce que j'en pense. J'espère simplement que vous avez pu consacrer quelques heures de votre temps à une pleine et extraordinaire expérience de la Musique, dans les meilleures conditions possible, comme j'ai (enfin) pu le faire moi-même cette année. Mon secret ? Ça n'est pas bien difficile, c'est toujours avec la même méthode que je suis sorti comblé de cette Fête Nat. : jouer sa propre musique.

FAITES DE LA MUSIQUE

Installé dans un appartement parisien, entouré d'une dizaine d'amis dont la plupart ne savaient pas jouer d'un seul instrument, ou alors vaguement, nous avions disposé autant d'objets musicaux (synthés, guitares, ukulele, baguettes, jouets musicaux, stylophone, violon, flute...) dans la pièce et chacun pouvait passer de l'un à l'autre au gré de son inspiration, le but étant que la composition improvisée que nous construisions ne connaisse aucun temps mort. Deux heures plus tard, de la no wave au kraut rock, de la pop glitchée au folk psychédélique en passant par la noise, nous arrêtions de construire, regrettions de n'avoir pas enregistré le résultat mais nous sentions heureux de l'avoir fait. NOTRE musique, celle de CE MOMENT précis, sans honte ni prise de tête, faite d'hésitations, de fulgurances symbiotiques, d'accélérations, de brouhaha, de chœurs et de cacophonies. Aucune déception, aucune haine, seulement de l'amour et de la cohésion, voilà ce que la Fête de la Musique devrait être et je vous encourage vivement à tenter l'expérience avec vos copains la prochaine fois que vous en aurez l'occasion. Croyez-moi, il est bien plus enrichissant de cogner les cordes d'une guitare acoustique avec le marteau en bois d'un toy-xylophone pendant qu'un ami (Thelonius H. en l'occurrence) s'évertue à produire les pires craquement électroniques possibles sur un Micron que d'entendre au loin un trentenaire à bidoche parachever sa très mauvaise imitation du Kurt Cobain de Smells like teen spirit (évidemment), lequel aura d'ailleurs droit en Septembre prochain à une édition SUPRA DELUXE de son album le plus connu, "Nevermind".

NEGATIONNISME VIGUIEN

Un coffret réunissant 4 CDs et 1 DVD (lequel proposera la vidéo d'un concert encore jamais diffusée), c'est certes pas mal pour célébrer les 20 ans de l'un des albums les plus célèbres de toute l'histoire du rock, mais c'est tout de même décevant, même avant de connaitre le détail du contenu. D'abord parce que DVD mis à part, on se doute bien qu'une bonne partie des bonus proposés auront déjà fait surface sur d'autres anthologies (et notamment l'anthologie "With the lights out"), ensuite parce que seuls des CDs sont proposés et ce malgré la tendance actuelle du retour au microsillon de plus en plus prisé par les amateurs de musique, lesquels sont pour la plupart des trentenaires et doivent donc être pile dans la tranche d'âge des premiers fanatiques de cet album. C'est un coffret réservé à la propagation encore plus large du mythe Nirvana et à la récupération, toujours d'actualité, des dollars posthumes gagnés par Cobain. Les vieilles habitudes subsistent et la récupération financière de Nirvana n'a pas fini de me déprimer et de m'éloigner coûte que coûte de tout achat de disques du groupe. En parlant de mauvaises habitudes, il en est une autre qui m'exaspère un peu et c'est celle qui consiste, chez beaucoup de fans, à critiquer la production de Butch Vig, l'ingénieur du son de "Nevermind".

(Je l'ai toujours imaginé gros et chauve et j'aurai toujours du mal à me faire à sa véritable trogne. Rien à faire, quand je pense Butch Vig je vois Franck Black. Ça doit être le prénom. Butch. Ça sonne gras.)

Pour rappel, mandaté par Geffen (la division d'Universal qui avait signé Nirvana ET Sonic Youth - Vig a d'ailleurs produit le "Dirty" de ces derniers l'année suivante), Butch Vig fut l'un des ingés sons les plus emblématiques du grunge et son travail sur des albums mythiques de cette époque (le "Gish" des Smashing Pumpkins par exemple) lui valut une réputation peu enviable, surtout lorsque Nirvana révéla que le son de "Nevermind" n'était pas celui qu'ils voulaient vraiment.


(En même temps, le son live de Nirvana se rapproche davantage de celui créé par Vig que du son Albini)

En général, il est de bon ton de penser que Steve Albini aurait fait un bien meilleur boulot que Vig puisque toujours d'après Nirvana, Albini les a aidés à produire EXACTEMENT le son qu'ils souhaitaient sur leur album suivant (le bien meilleur "In Utero", moins rentre-dedans, plus profond et très vite rejeté en bloc par la maison de disques qui n'y trouva aucun potentiel commercial, mais qui dut se plier aux exigences du groupe vu qu'ils étaient alors la vache aux mamelles d'or). Seulement moi je n'y crois pas. Je n'ai pas du tout envie d'entendre ce à quoi "Nevermind" aurait ressemblé si Albini s'en était chargé. Il aurait certainement été plus subtil, moins criard et il n'y aurait SANS AUCUN DOUTE jamais eu de chorus sur la guitare de Come as you are. Mais il n'aurait pas été "Nevermind", cet album que je connais par cœur (et vous aussi), de la première à la dernière note, qui m'a amené au rock, mais aussi au punk, au noise rock, au heavy metal, voire au post hardcore et au blues (à travers le "MTV Unplugged", les Meat Puppets et My Girl). Il n'aurait peut-être (sûrement) pas eu le même impact commercial et générationnel si Vig n'avait pas créé ce son gras et si la guitare de Smells like teen spirit n'avait pas été digne de l'hymne que le morceau allait devenir. Nier Butch Vig revient à nier le mythe Cobain et par extension cela revient aussi à nier 1991, l'année où le punk est devenu bankable. Maudire Butch Vig est un gâchis d'énergie presque aussi ridicule que le dernier album des Strokes.

ANTICIPATION DU COURRIER DES LECTEURS

On en est à ce point de l'article où j'en profite pour me décharger de quelques considérations sans les justifier : Gang of Four, c'est fini de chez fini, tout comme Orchestral Manœuvres in the Dark. Suuns n'est qu'une copie mollassonne de Clinic. Bon Iver ne m'intéressera jamais suffisamment pour que je lui consacre le moindre article : ça n'est pas nul mais ça ne présente aucune sorte d'intérêt. WU LYF ont l'air d'avoir deux trois idées, dont celle de mêler deux tendances qui marchent (shoegaze et indie rock) en se prétendant politisés ou punks ou je ne sais quoi, mais ça reste du Arcade Fire au son vrombissant qui ne va pas chercher bien loin. Cults ça n'est vraiment pas bien et Cass McCombs m'a fait pioncer à chaque fois que j'ai essayé son nouvel album. J'abandonne aussi le dossier Toro Y Moi, que j'ai longtemps essayé de traiter de diverses façons, avec optimisme avant de finir par penser "à quoi bon écouter une fois de plus cet easy listening disco demeuré ?" et si avec tout ça vous vous posez encore des questions sur les "gros noms" de la première moitié de 2011... eh bien, demandez toujours ! Je conclus ici en vous posant la question : avez-vous récemment réussi à fixer pendant plusieurs secondes d'affilée la pochette de "Nevermind" ? Vous l'aimez ou bien vous la trouvez très laide ? Je la connais tellement bien que je n'arrive plus à être objectif...


Joe Gonzalez

2 commentaires:

  1. · La jam session improvisée avec des gens qui ne savent pas jouer, c'était aussi la base du premier album de Nurse with Wound ! (Pas le meilleur du groupe, mais bon, c'est amusant comme début.)

    · Je n'arrive plus à être objectif sur Nevermind tout court…

    · Pour la production de Butch Vig et surtout la compression à outrance en général, je reste sur mes positions. Ça ne me touche plus tant que ça sur Nevermind (que je connais effectivement par cœur), mais je reste d'avis que la compression a sacrément gâché Dirty de Sonic Youth ("Purr" aurait pu être une excellente chanson si tout ne retombait pas en même temps que le volume après l'intro), à peu près tous les albums des Smashing Pumpkins, et pas mal d'autres. Avec la loudness war en prime, on en arrive à des albums qui semblent masterisés pour être écoutés sur un portable dans le métro (Icky Thump des White Stripes ? Même s'il n'y a que moi qui aime cet album)…

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  2. Butch Vig je l'imaginais comme toi ! Comme le Butch de Eels, la crasse grunge en plus.

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