C'est entendu.

mercredi 13 avril 2011

[They Live] Le chaleureux hurlement d'anbb, Qwartz 7 - Première

Je n'arrive pas à définir de quel côté je penche le plus. Suis-je étrangement fier ou passablement honteux d'avoir ressenti tant de bien-être lorsque le cri suraigu démultiplié de Blixa Bargeld atteignit des extrémités sonores dangereuses pour mes tympans ? Je n'en suis pas certain mais j'ai parfois l'impression d'être (presque) aussi stupide qu'un japonais frigorifié par la brise côtière de Mars qui, pénétrant dans l'enceinte de Fukushima éprouverait un chaleureux réconfort de nature calorifique aux premiers instants de son exposition au rayonnement cancérigène, tout en étant conscient de son sort. J'avais des boules quiès mais à quoi bon ? Les hautes fréquences me caressaient les oreilles et voir l'assemblée s'occulter frénétiquement les tympans n'a de toute façon jamais eu d'autre effet que de m'insuffler une (ridicule) impression de courage. Voilà dans quel état paradoxal je me trouvais au point culminant du premier concert donné par anbb en France.

Pas besoin d'artifices scéniques pour que deux allemands occupent l'espace.

Blixa Bargeld, chanteur et leader d'Einstürzende Neubauten et longtemps guitariste au sein des Bad Seeds de Nick Cave. Carsten Nicolai, alias Alva Noto, co-fondateur du label Raster-Noton et musicien électronique stakhanoviste. Soit anbb, super-duo, mandaté pour ouvrir GRATUITEMENT la 7ème édition des Qwartz, à la Cigale. La gratuité avait attiré un public conséquent mais la nature de la cérémonie (qui récompense, je le rappelle les musiques électroniques, nouvelles et les arts nouveaux) et la teneur avant-gardiste de la musique jouée par le duo teuton garantissaient une large congrégation de connaisseurs éclairés et d'amateurs respectueux. Du coup, la performance visuelle d'Herman Kolgen qui ouvrait le spectacle fut accueillie en silence et applaudie (à juste titre, Kolgen devait d'ailleurs remporter le Qwartz Arts Nouveau Médias deux jours plus tard) avant qu'anbb ne s'approprie un plateau minimaliste (ils resteront plus ou moins statiques jusqu'à la fin du show, l'un derrière son micro et l'autre debout face à ses machines), Bargeld signifiant d'un index posé sur les lèvres qu'il attendrait le silence pour démarrer.

Silencio.

Lorsque l'avant-garde électro-croonée nous séduit, nous autres musicophages, on ne s'attend pas forcément à ce qu'elle soit aussi passionnante (pour nous comme pour tant d'autres) une fois transposée sur scène, et pourtant... N'ayant jamais assisté à aucun concert ni d'Alva Noto ni de Blixa Bargeld, je n'avais peut-être pas suffisamment d'indices mais une amie m'a quand même dit avoir eu une révélation ce soir-là, elle qui gardait une impression ridicule d'Alva Noto, lequel a parachevé de la convaincre dans cette formation.


Celui qui ne s'est pas prêté au hurlement des Sirènes, ce soir-là, il n'aura rien à raconter en rentrant à Iolcos.

Le groupe a joué, sauf erreur de ma part, l'intégralité de son album, "Mimikry" (Mais pas que ! Nous avons aussi eu droit à l'excellente Electricity is Fiction, parue sur l'EP "Ret Marut Handshake") sans évidemment le reprendre à la lettre, et le plus impressionnant ne furent ni le charisme naturel du dandy Bargeld, ni la maitrise sonore de son compère mais bien la part d'improvisation évidente et le fait que cette dernière n'ait à aucun moment perturbé l'interprétation habitée des chansons par un Blixa impressionnant, sublimant son personnage par un jeu d'harmonica inspiré, tantôt classique puis dissonant, samplé à tort et à travers, tout comme sa voix, laquelle surprend à chaque fois qu'elle saute depuis ses graves naturels jusque vers des hurlements dignes des sirènes de la mythologie Grecque (ou des ptéranodons de Jurassic Park, au choix). Tel Boutès l'argonaute, je n'eus alors d'autre choix que de me jeter à l'eau (cf. premier paragraphe).


Pour vous faire une idée, voici le début de Fall (qui ouvre l'album et cloturait le concert), telle que nous l'avons reçue, les décibels en moins.

En plus de définitivement convaincre (je dois avouer que malgré ses innombrables qualités, "Mimikry" est fait d'un bois qui brûle assez difficilement dans l'âtre de mon cœur, surtout parce qu'il a un son glacial, en retrait, qui n'aide pas à s'approprier aisément les très bonnes chansons qui le composent), l'exceptionnelle prestation d'anbb fut par ailleurs marquée de quelques interrogations ragoûtantes, notamment liées à des phrases lâchées par Blixa Bargeld, à propos de la disparition de nos ennemis et de sa plaisanterie selon laquelle il aurait été seul pendant quelques minutes dans le bureau d'un ponte de Virgin Records en France, et aurait répondu au téléphone en prenant une voix étrange pour hurler des insanités à l'autre bout du fil. Entre ça et les paroles de l'étonnante reprise du traditionnel américain I wish I was a mole in the ground, nous en sommes ressortis avec des questions plein la tête, dont les réponses nous furent données le lendemain par le duo (*), et le sourire aux lèvres parce que les concerts gratuits ET d'avant-garde ET réussis, ça n'arrive vraiment pas souvent...


Joe Gonzalez


(*) : Vous saurez tout ce qu'il faut savoir dès demain soir, 18h, avec la seconde partie de ce dossier consacré aux Qwartz, l'interview d'anbb.

4 commentaires:

  1. chouette CR de cert-con !

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  2. Tu devrais mater The Shout de Skolimowski, ça va te plaire !

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  3. Je l'ai déjà vu et j'ai été partagé. Certaines choses dans le film m'ont beaucoup plu, d'autres beaucoup moins. Il est extrêmement lent, déjà, et puis je crois que j'avais trouvé qu'il s'éparpillait un peu. Mais son esthétique et l'idée originale me plaisaient.

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  4. AH et la toute fin, dans le parc, aussi.

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