Ah ben merde, c'est plus comme avant. Nous voilà bien. Déjà que certains, parmi les plus vieux d'entre nous, ne s'étaient toujours pas remis du passage de Dylan à l'électricité, voilà que Sam Beam, remisant (provisoirement ?) au placard la production puritaine et bricolarde qui faisait le sel de ses précédents opus, passe du noir et blanc à la couleur.
En gros, un artiste est condamné soit à la répétition sempiternelle (et on se lasse), soit au virage à 180°, avec les risques que cela comporte en matière d'intégrité. Or, sur ce disque, il y a des cuivres ! Oui, parfaitement, ces instruments chauds et chatoyants qui font reluire des mélodies tirées au cordeau, des choses que l'on n'était pas habitué à entendre dans les productions plutôt lo-fi d'Iron and Wine jusqu'ici. Oui, mais merde au lo-fi, y'en a marre du lo-fi, the times they are-a-changin' et le lo-fi, c'était bien dans les déjà très éloignées nineties, quand on portait encore des chemises à carreaux, et puis on peut être lo-fi un moment et puis arrêter d'être lo-fi, on est en république quand même ! On a même le droit de taquiner l'afro-beat, tant qu'on y est, ce que Sam Beam ne se prive pas de faire sur de brefs passages de cet album.
(Big burned hand, jouée à Dublin)
(Big burned hand, jouée à Dublin)
Dès I Was Walking, le premier titre, et ses ajouts d'instruments toutes les quatre mesures, il est clair qu'on aura affaire à un boulot d'orfèvre. Percus africaines, flûtes jazzy, chœurs célestes, sifflotements mutins, nappes de mellotron, boucles, machins, trucs et chouettes : Sam Beam, tout en privilégiant la ligne claire, s'autorise à peu près tout, élargit le nuancier autant qu'il est possible et tape sans vergogne dans les possibilités de la technique, tout en restant sur une certaine réserve, les chansons de cet album étant suffisamment consistantes pour se contenter a priori d'un arrangement de guitare acoustique.
Par ailleurs, rares sont les artistes, aujourd'hui, qui non seulement sont capables de livrer des disques intéressants de bout en bout mais qui, de surcroît, ont l'élégance de terminer leur travail proprement. Or une pièce majeure conclut l'album (dont le sommet est cependant Godless Brother in Love, une chanson d’une beauté à tirer des larmes à un monolithe) : démarrant sur des cuivres groovy comme on en trouvait chez Fela, Your fake name is good enough for me se termine en une psalmodie qui accompagne l’auditeur jusqu’à la coda de cet album noble et beau.
(Your fake name is good enough for me)
On va donc dire qu’Iron and Wine perd de sa substance et de son originalité. Mais si c’est pour évoquer des formations aussi convaincantes que Grandaddy (dont l'influence est très facilement perceptible sur Tree by The River) et Wilco en créant une sorte d’americana pour gens de bon goût, comment le lui reprocher ?
AGM
Chouette review, qui me surprend un peu sur C'est Entendu. Du coup j'écouterai ce disque, que j'avais ignoré jusque là, alors que j'aime bien ce que fait Sam Beam. :)
RépondreSupprimerj'aime pas sa voix dans cet album !!
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