C'est entendu.

mardi 15 février 2011

[Fallait que ça sorte] Eine Kleine Nacht Musik - Eine Kleine Nacht Musik

Le krautrock partage avec son demi-frère, l'électronique, cet amour des répétitions hypnotiques. Cette évolution tournoyante, ce bégaiement délicieux, donnent l'impression, presque maladive, d'être en constant mouvement, comme un pendule dépourvu de gravité. La répétition et la boucle musicale ont cette faculté d'ordonner le son, de lui offrir un point d'appui stable et rassurant. Une musique dont la répétition ne s'affirme que peu est instable, le corps en pâtit d'ailleurs, ne sachant pas se mouver en rythme. Le krautrock et la musique électronique ont pour leitmotiv cette répétition, l'intégrant au point d'en faire un critère fondamental et en cela, le mariage entre ces deux styles est une expérience à priori fascinante. Henry Smithson (aka Riton), sous le pseudonyme de Eine Kleine Nacht Musik l'a compris et a fait, en 2008, cette expérience où la sublimation est autant chimique que psychique.

Avant de prendre une tournure kraut, Riton était le pseudonyme qu'utilisait Henry Smithson pour produire une électro dispensable, même si audacieuse. Il a du se passer quelque chose dans la tête de cet anglais en 2006, sans doute chez un disquaire, en fouillant dans la catégorie "krautrock", parce qu'après cette date, son univers musical a pris une autre direction (vers l'Allemagne). A la fin de l'année 2006, il annonce aux médias qu'il travaille sur une collaboration avec les frères Dewaele (Soulwax). Un projet nommé "Die Verbond" ("l'interdit" en allemand), influencé directement par le style kraut. Le projet n'aboutira finalement jamais complètement. Deux ans après, Henry Smithson refait surface et annonce une sorte de mixtape "dédiée aux parrains du krautrock" nommée "Only German mix" et qui se révéla en fait être une sorte d'objet promotionnel annonçant un album : "Eine Kleine Nacht Musik".



(Feverprobe)

"Eine Kleine Nacht Musik" (traduisez "une petite musique de nuit", en référence à la célèbre pièce de Mozart) est un album audacieux, ambitieux, et même visionnaire (*1), dont la particularité réside dans sa façon nouvelle de penser la musique assistée par ordinateur. Les synthétiseurs y sont profondément allemands, faisant parfois écho à Kraftwerk, La Düsseldorf ou Tangerine Dream. Une multitude d'instruments font leur apparition tels sitar, xylophone, ou encore glockenspiel , offrant ainsi une dimension particulière à une musique qui oscille entre, d'une part, des sons synthétiques déshumanisés et d'autre part des nappes, une batterie (plus "chaude", "humaine") et des sons d'instruments atypiques, et envoûtants. Les montées interminables de ces morceaux planent tout à la fois qu'elles cognent avec régularité leurs rythmiques si spécifiques. Smithson réalise ainsi un album influencé profondément par la mouvance kraut, mais dessine avec des traits fins un pastiche nuancé, subtil.



(Die Fontäne)

Au delà d'une simple expérience musicale, cet album (passé trop inaperçu) revêt l'habit d'un véritable manifeste qui donnera peut-être naissance à un réel mouvement (*2), celui d'un post-kraut, un krautrock imbibé de beats et de musique électronique nouvelles. Henry Smithson offre ici un album hors des codes et cependant accessible, audacieux et pourtant (et il le revendique) entièrement influencé.


Julien Masure

(*1) : Il est a noter que le minimaliste James Holden a suivi cette voie ouverte par Henry Smithson en offrant un mix (dans son "Dj-Kicks" dont je vous parlais ici) où l'électro s'anime façon kraut.

(*2) : D'ailleurs, c'est aussi en 2008 que Zombie Zombie (le duo français composé d'Etienne Jaumet et Neman Herman Düne) publiait "A land for Renegades", un album d'électronique progressive mêlée à des influences krautrock !

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