Je suis pris d'une lubie Sean Lennon, ces temps-ci. Enfin, pour être franc, cela fait déjà un petit moment, mais allez savoir pourquoi, j'ai tardé à mettre au point l'idée d'un 45 Tours en deux faces qui concernerait dans un premier temps Sean en solo puis dans un second temps le groupe (dont le nom à dormir dehors et aux influences hypothétiquement hors de propos ne vous reste en mémoire qu'après la dixième lecture sans écorchure) qu'il forme à présent avec Charlotte Kemp-Muhl.
- FACE A : Sean Lennon - Into The Sun -
On ne vous avait pas encore parlé de Sean Lennon, ici sur C'est Entendu, de sa sensibilité à fleur de peau, de son accent nippo-américain ou de ses compositions qui sont autant de petits bijoux aux styles divers, et pourtant ce songwriter au talent fou mérite bien notre attention. Pour l'heure, c'est le titre éponyme de son premier album, "Into The Sun" (1998), qui va tenter de captiver nos tympans le temps de cette face A.
D'entrée de jeu, la mer. Le décor est planté, et comme pour confirmer, des guitares bossa sucrées et des percussions parfaitement dosées arrivent telles les Phalanges du cool et du raffinement, et transpercent, ou plutôt transportent de par leur élan le petit auditeur que nous sommes vers un lieu inconnu mais ensoleillé et isolé. C'est alors que Lennon nous accueille aux côtés de sa compagne Charlotte Kemp-Muhl (avant l'officialisation du duo, donc). Leurs voix se marient divinement bien et concrétisent cette impression naissante de paresse voluptueuse. L'écoute d'Into The Sun me donne quasi-instantanément l'envie de m'allonger et de me laisser gagner par le sommeil. J'ai pu, à ce propos, apprécier de nombreuses fois l'utilité de la touche "lecture en boucle" de mon baladeur ; sous la couette, la tête enfoncée dans l'oreiller et les oreilles vissées dans mon casque audio, je lance le morceau, règle la lecture en boucle, et me voilà parti. Et surtout, Into The Sun est loin d'être le seul bon titre de l'album.
Ainsi donc continue paresseusement le périple chaud et rayonnant qui nous mène à chaque instant un peu plus avant sur cette route gorgée de lumière et de plaisirs. Et quand la fin du chemin arrive, quand on se rend compte qu'il est temps de quitter cette gracieuse parenthèse, de magnifiques claviers apparaissent derrière les rayons du soleil couchant et jouent de belles notes d'adieux. Ce sont des adieux un peu tristes, mais ils signifient en réalité : "on veut vous revoir très vite". Croyez-moi ou pas, ça fonctionne à merveille.
- FACE B: The Ghost of a Saber Tooth Tiger - Lavender Road -
(une session acoustique de Lavender Road)
Ce coup-ci les voici donc, Charlotte et Sean, officiellement unis à des fins musicales sous le petit nom déjà mentionné ci-dessus. Règne désormais un maître-mot : intimisme.
Lavender Road est une petite merveille de douceur, un titre à prendre avec de délicates pincettes argentées; quelques percussions, un glockenspiel, une guitare, et ces voix, encore et toujours ces deux voix s'entremêlant étonnement bien, faisant de plaisir et désir d'improbables synonymes. Rien d'autre ne semble alors plus vraiment nécessaire.
Lavender Road, c'est le morceau qui pourrait faire office de tube, sur "Acoustic Sessions" (2010), le premier album du groupe. Là encore, la recherche sur les mélodies est époustouflante et on se complaît dans la simplicité apparente de l'instrumentation comme un enfant dans son bac à sable. Émerveillé par la découverte, par cette structure minimaliste, on ne demeure pas moins amusé par les petites notes du glockenspiel (magnifiquement bleu) de Mlle Kemp-Mulh.
En définitive, c'est un morceau complet, fouillé, et ce qui est fascinant, c'est qu'un chant travaillé comme celui-ci paraisse si léger, si digeste, parce que, disons les choses telles qu'elles sont, ça vous restera en tête très vite, et vous le fredonnerez. Sous la douche, en faisant la cuisine, n'importe, ce n'est pas le problème. Vous le fredonnerez, c'est certain.
Lavender Road illustre avec brio le ton de l'album, calme et intime, profond. Lorsque l'on écoute "Acoustic Sessions", on a comme l'impression de pénétrer dans la vie privée de ces deux-là, c'est comme s'ils nous livraient bien plus que leur travail couché sur CD : ils nous ouvrent leur porte, nous accueillent avec le sourire et nous invitent à prendre le thé au coin de la cheminée, avec de bons gros pulls-over et des chocolats. Les chocolats, juste parce que c'est sacrément bon, et les pulls, parce que dehors, il fait toujours un peu froid. Sans vouloir m'imposer, je crois bien que je vais rester un peu...
Hugo Tessier
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