C'est entendu.

lundi 6 décembre 2010

Microcosme #3 - Décembre 2010

par Béatrice Corceiro et Joseph Karloff
art par Jarvis Glasses

Pour la Noël, point de vieilles dindes infourrables sur C'est Entendu : rien que des jeunes coqs tout frais, qui se trémoussent au milieu du poulailler comme des Travolta sur le dancefloor, pleins de fougue et prêts à mourir pour des graines, des graines, TOUJOURS PLUS DE GRAINES.

Dans les faits, alors que Joseph restait jusqu'à tard sur son ordi pour dénicher les re-sta de demain (rubriques Microdisques pour la France ; Macrodisques pour le Monde Libre), Béatrice est allée en voir en vrai dans sa bonne ville de Bordeaux - et n'a pas pu s'empêcher de glisser un mot sur les bons produits de son terroir (rubrique They Microlive).

______________________________________

Microdisques

______________________________________

  • Popular Mechanics - "A Good Flight" (EP, 2010)

Flûte et re-flûte. Quand Joe m'a filé ce poste de dénichage de groupes, je l'ai prévenu avec force suffisance : "Mais tu sais, moi je trouve la scène française assez mauvaise, y'a des chances pour que je déniche rien du tout et que je poste juste tous les mois : 'RIEN TROUVE DE BIEN. TOUS DES NULS.'". Ça sera une bonne résolution pour l'année prochaine ça : fermer ma gueule. Je vous explique : quand je suis tombé nez à nez avec cet EP, j'ai cru avoir affaire à des anglo-saxons, parce que ça sonnait trop bien ; or, Popular Mechanics sont des LILLOIS. Franchement, quoi de plus français (plouc) que Lille ? (A part Saint-Etienne)


(When I Come In A Bar (I'm Like A Star))

Ecoutez-moi donc ces riffs accrocheurs à la Phoenix, mais sans la cuillère en argent dans la bouche, non, ici ça sent plutôt le bouseux prolétaire à la Supergrass, celui qui ne fait pas du rock pour embêter papa-maman mais pour remuer les derches flasques entre deux matchs de foot du LOSC. Ce premier EP est trop. Vraiment. C'est son défaut : trop riche, trop long, trop prometteur. Mais je crois en ces mecs-là. Ils vont casser la baraque. Juré. Si je mens je vais en enfer. Ou à Lille.


J.K.


  • Tara King Th - "Extravagant, Grotesque & Nonchalant" (LP, 2010)
Déjà le 4ème LP (je crois) pour Tara King Th. Après pas mal d'ajustements au niveau du line-up du groupe, ce nouvel album fait suite à une série de EPs que j'avais trouvé vraiment bons ("A Sigh Of Relief I & II", 2006-2007). Jusqu'ici, Tara King Th faisait surtout de l'ambient lorgnant vers la dream pop ; "Extravagant..." marque un vrai tournant dans la carrière du groupe. Plus orienté rock, le disque regorge de clins d'oeil à Ennio Morricone et Angelo Badalamenti. On est en plein dans cette tendance très française de "l'album B.O.", un genre dans lequel excellent des groupes comme RiEN ou La Terre Tremble !


(Talking Too Loud)


Tara King n'est jamais aussi bon que sur ces morceaux d'ambiance (Pretty Mess 2 en tête), car pour le reste, leur french pop tourne un peu à vide et devient même assez fatiguante au fil du disque, la faute à une chanteuse à la voix vite agaçante dans ce registre-là. les amateurs des années yé-yé devraient adorer, moi pas. Et ces synthés, j'en peux plus de ces synthés. Vivement que les 10's démarrent enfin, qu'on en finisse avec le revival 80's des 00's.


J.K.



  • Slow Joe & The Ginger Accident - "Slow Joe Meets The Ginger Accident" (EP, 2010)
Du pain béni pour les journaleux paresseux : une chronique sur Slow Joe s'écrit toute seule. Ces mecs-là ont une histoire dingue derrière eux (que je ne vais pas vous raconter, googlez-les, c'est repris partout), mais surtout, ils sont the Next Big Thing, non, ils sont THE CURRENT BIG THING.


(Introducing)


Mais concrètement, ça sonne comment quand un Indien crooner s'acoquine avec la scène rock/noise lyonnaise ? C'est simple : imaginez les Doors jouant la B.O. de Wayne's World. Et le pire, c'est que ça marche, ce n'est pas juste le petit truc anecdotique pour faire sourire les bobos à Noël, il se passe vraiment un truc. Malheureusement, cet EP est chouette certes, mais pas au niveau phénoménal de leurs performances scéniques (notez bien ça dans vos tablettes, vous DEVEZ voir ce groupe). Les morceaux rock fonctionnent bien ; ceux qui lorgnent vers les clichés du croon sont un peu longuets quand on n'a pas devant soi le petit Joe qui fait son intéressant. Un LP devrait sortir sous peu, on en reparlera, on n'a pas le choix.


J.K.



______________________________________

Macrodisques
______________________________________


  • Felix Green - "Green Dream" (EP, 2009)
Vous avez peut-être déjà entendu parler de ce gars si vous suivez chaque seconde de l'actu indie souterraine canadienne (peu probable), ou si vous êtes fans de mon style et que vous vous badigeonnez avec chacune de mes chroniques telle Clara Morgane avec sa crème Nivéa (plus probable). Félix Green est en réalité Luke Loseth, frère de Charlotte Loseth aka Sea Oleena, mon méga coup de coeur Fnac/France Loisirs de l'année. Et à part fignoler les productions de sa petite soeur (de fort belle manière), il mène aussi sa petite vie d'artiste de son coté.


(The Train Song)

Pas étonnant donc si on retrouve sur "Green Dream" un style et un charme très proches du EP de Sea Oleena (rappel : des atmosphères cotonneuses nimbées de délicatesse, que viennent perturber ça et là quelques guitares acoustiques), Félix étant simplement un peu plus nerveux (plus poilu, plus viril, plus MEC, quoi). Mais aussi un tantinet moins inspiré que sa soeur en tant que compositeur (sans parler du fait que lui n'a pas de BOOBS) : en témoigne cette reprise de Peacebone d'Animal Collective, sympathique certes, mais vraiment ? Elle est sur le EP ? Flûte alors. Il n'empêche que ces deux petits-là n'ont pas fini de m'épater.


J.K.




______________________________________

They Microlive
!
______________________________________


  • Siskiyou, My Ant au Saint Ex (Bordeaux, 11/11/2010)
Rien de plus moche qu’un jour férié, long et ennuyeux, planté en milieu de semaine. Alors pour se rattraper, direction le Saint Ex où certains ont l’air bien déterminés à passer une soirée cool. Avec My Ant occupés à chauffer la cave du Saint Ex, on retrouve tout de suite le sourire. Le jeune groupe joue à cinq ce soir : autour du guitariste-chanteur, une guitare électrique, une basse, une batterie, et un clavier. Le violoniste manque à l’appel mais les chansons fonctionnent quand même : en douceur avec les jolies mélodies folk, mais surtout avec beaucoup d’énergie, l’accent se portant sur le côté électrique, même si le chanteur attrape de temps en temps sa guitare folk. Ce qui est très agréable, c’est l’enthousiasme et la fraîcheur que dégage le groupe.


(My Ant peut aussi jouer dans ton coffre de voiture)


Siskiyou prend place et propose une version plus "je plane autour du feu de camp" de la musique folk. Dans ce groupe, l’ancien batteur de Great Lake Swimmers chante principalement des chœurs en balançant la tête en arrière, paupières mi-closes. En face de lui, un guitariste joue assis et assure en grande partie le chant, avec une voix qui sonne très Neil Young. Au milieu se tiennent le bassiste et le guitariste-joueur de banjo (qui, lui, fait toujours partie de Great Lake Swimmers). Leurs morceaux sont plutôt apaisés, avec une tension qui monte progressivement, procurant souvent quelques frissons, et notamment sur "Never Ever Ever Again » avec les vibrations de la scie musicale. Le set est très sympa, mais trop court : Siskiyou n’a qu’un album sous le bras et complète avec quelques reprises de Simon & Garfunkel, le compatriote Neil Young, et finit par les Guided By Voices, ce qui enchante les rockeurs bordelais au premier rang.


(Never Ever Ever Again joué à Paris)

B.C.

  • Dark Dark Dark, Faustine Seilman, Guimo au Saint Ex (Bordeaux, 15/11/2010)

Ambiance folk grinçante au Saint Ex. Guimo, personnage local atypique et très surprenant, plante d’abord son décor avec sa musique atmosphérique, sorte de slow-core avec des paroles en français. Il joue assis, épaulé par l’ancien guitariste de Sincabeza : deux guitares électriques dans les bras et les pieds sur les pédales et sampleurs. De sa voix grave, Guimo prend un malin plaisir à interpréter ses chansons naturalistes. Un mélange à la fois flippant et plein d’humour noir, à observer autant qu’à écouter…


(Guimo, grand méchant loup)


Faustine Seilman et Dark Dark Dark se partagent l’affiche et se présentent dans des configurations à peu près semblables. C’est la Nantaise qui commence, assise derrière son micro et son piano, entourée de trois musiciens rock : les batteur et bassiste du groupe noise Fordamage (le bassiste étant aussi un folkeux sous le patronyme cinéphile My Name Is Nobody) et This Melodramatic Sauna qui danse avec sa guitare électrique collée au corps. Chez les New Yorkais de Dark Dark Dark, la chanteuse utilise le même piano, et s’empare d’un gros accordéon sur quelques morceaux. Son batteur joue sans grosse caisse. Le contrebassiste se tient debout, et le dernier musicien passe du banjo à la guitare, et au piano.


(Faustine Seilman : The Young Man And The Sea)


Ces deux groupes jouent une sorte de folk illustrant des contes ou des romances un peu décalées, en mêlant classique et rock indé. Restent une attitude un peu froide et les intonations de voix un peu trop distinguées, un peu trop solennelles, qui font qu’il n’est pas toujours évident de se frotter aux chansons pleines d’épines.


(Dark Dark Dark : The Hand)


B.C.

  • Chocolat Billy au Krakatoa (Mérignac, 18/11/2010)

C’est toujours bon de revoir Chocolat Billy, programmé ce soir en première partie des vieux punk The Ex au Krakatoa. Les quatre musiciens ont installé leur matos (batterie, clavier, guitares, basse, amplis) par terre, devant la scène. Quand ils branchent les instruments, prêts à se lancer, ils forment un cercle, et le public quitte rapidement le bar pour suivre le mouvement. Le groupe joue sur ses terres, et ses amis le poussent à se lâcher, à monter le volume, à enchaîner les morceaux. "Mais on n’est pas les Sheriff, ni les Ramones !", se défendent-ils.


(Extrait d’un concert de Chocolat Billy en Belgique)


Il y a des bouteilles de vin dans un coin de la cave qu’on a laissées sans étiquettes. Ça ne veut pas dire que le liquide à l’intérieur ne mérite pas d’être servi lors d’un très, très bon repas. Eh bien, Chocolat Billy, c’est ce genre de bouteille de vin. Dans ce groupe, il n’y a pas de règle, pas de style, pas de forme, même pas de technique. Parfois c’est une voix féminine a cappella. Après, ça peut être du punk décharné. Ça donne aussi dans le noise, croisé à un folk électrique et des expressions animales. C’est une longue traversée, souvent speed et complètement déroutante. Ça se passe dans un jeu de chaises musicales, chaque musicien allant taquiner l’instrument du voisin. Chocolat Billy, ils se foutent de tout. C’est n’importe quoi, et pourtant l’excitation fait son chemin : tout le monde semble conquis dans ce grand défouloir.


B.C.

1 commentaire: