Vous avez peut être entendu parler de Ray. Trop anglophone pour séduire les amoureux de variétoche folkeuse en provenance du Canada (d'ailleurs il n'est pas Canadien et vient plutôt du Sud des États Unis) mais tout de même régulièrement invité chez Nagui, trop langoureux et trop barbu pour être réellement considéré comme un indie boy mais tout de même acoquiné de Meg White (une chanson était dédiée à cette dernière sur l'album précédent de Ray), ce mec a le cul entre deux chaises et c'est un problème.
Prenez cet album, par exemple, que j'attendais impatiemment avec une naïveté dépassant tout entendement alors que n'importe qui aurait pu prévoir qu'à se trimballer les fesses entre deux fauteuils, Ray - entouré du plus fantomatique des groupes, les Pariah (lisez "Pas là") Dogs - était condamné à se ramasser cul-par-dessus-tête dans la prairie dont il a l'air de venir, les yeux rivés sur la nuit étoilée qu'il a l'air de ne pouvoir s'empêcher de fixer, une guitare sèche serrée dans les bras afin de crooner doucement vu qu'il a l'air de n'être né que pour ça, eh bien cet album est extrêmement moyen.
Avec sa voix de bellâtre et sa barbe de bûcheron, Ray était dès le départ voué à faire vibrer la corde sensible des ménagères de moins de cinquante piges et son premier album, "Trouble" (2004) était comme ça : un ensemble de ballades bien senties façon americana qui se laisse couler jusqu'à un second album plus poussé, un peu plus intéressant et surtout un songwriting plus profond ("Till the Sun turns back," 2006). C'est à partir de "Gossip in the grain" (2008) que l'on pouvait commencer à froncer les sourcils : sous couvert de laisser retomber la pression entourant le second album, celui-ci explosait (dès sa cuivrée entrée en matière) comme une piñata soft rock ma foi facile à avaler mais où l'on devait farfouiller un moment avant de retrouver la sensibilité des débuts et où l'on avait parfois l'impression d'être pris dans le filet d'une année 1972 qui tournerait en boucle avec ce qui s'ensuit de jams interminables, de groupes de plus de quatre personnes sur scène et de méli mélo folk'n roll un brin écœurant. A partir de là, personne ne peut se prétendre surpris face à ce nouvel enregistrement.
C'est bien simple : sur "God Willin' and the creek don't rise" lorsque Ray Lamontagne ne sonne pas comme un Roch Voisine alternatif, il ne propose qu'une rasade - certes brièvement rafraichissante pour qui s'abreuve à cette source-là - d'americana en roues libre, melting pot d'influences folk (le Bob Dylan de 1964 pour les thèmes abordés) et country, jouées sur une guitare acoustique et (parfois) accompagnées par un backing band plutôt sur la défensive. En soi, lorsque le tempo est relevé (Repo man, Old before your time ou le single Beg, steal or borrow), la pilule passe, mais laissez Ray seul avec sa guitare (Are we really through, This love is over, l'enchainement ventre-mou aux titres fort à propos) et vous aurez droit à certaines des chansons les plus sirupeuses jamais gravées sur sillon, bande magnétique et disque compact en 2010.
Beg, steal or borrow, le sommet d'un panier à moitié vide.
Pour peu que vous admettiez une dose thérapeutique de folk enrichie sans avoir besoin de vous enfiler un cachet d'iode, vous trouverez le courage de passer outre les errements romantiques à la Damien Rice que j'espère voir Ray laisser tomber d'ici sa prochaine mouture. Sinon, vous brûlerez la guitare boisée la plus proche de vous au moment des faits et investirez illico dans le plus cheapos des séquenceurs et vous lancerez dans la création d'un genre de lo-funk électronique totalement obscur en guise de protestation.
Joe Gonzalez
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