C'est entendu.

mardi 15 juin 2010

[Réveille Matin] Blur - All Your Life

Il n'y a qu'une seule chanson au Monde et c'est celle-ci. Le simple fait qu'elle existe suffit à ma joie. Je sais que, dispersés aux quatre coins du globe, il y a des bouts de plastique sur lesquels elle est matérialisée, pour prouver au monde qu'elle a existé, qu'on la enregistrée, et qu'elle sera toujours là pour moi, comme une amie, une vraie amie, quelqu'un sur qui je pourrai compter, oui, comme une personne et à la fin de la journée, quand toute la musique existante aura perdu son sens, quand il ne restera plus rien qu'une vague fatigue qui ne se dissipera pas, il y aura toujours ce morceau, le dernier rempart, le dernier vestige, celui dont je me lasserais après tous les autres, si jamais ça arrive un jour, et si c'est le cas, ce sera simplement le signe que je serai devenu vieux dans ma tête. J'aimerais ne jamais avoir à rendre ce que je suis en train d'écrire en ce moment-même caduque, j'aimerais ne jamais avoir un mot à changer, parce que ce serait le signe déchirant d'un adieu à une partie de moi-même, ce serait une fin, une petite mort, le couteau dans la plaie qui se retourne à nouveau. J'ai presque peur en fait quand j'écoute ce morceau tant il est important, tant il est le symbole de tout un tas de choses depuis la première fois que je l'ai entendu, en 2003, après l'avoir récupéré sur un vieux ftp pourri rempli de faces-b et de lives de Blur que je téléchargeais avidement et écoutais de traviole de toute façon, mais peu importe, parce qu'au milieu de ce bordel, il y avait All Your Life, ce morceau si parfait, tiré du single de Beetlebum, et je me suis longtemps demandé pourquoi il n'avait pas été sur l'album du groupe, avant qu'on ne me dise que les couplets ressemblaient un peu à Oh ! You Pretty Things de Bowie et que Blur avaient déjà plus ou moins plagié ce dernier sur M.O.R. et que ça allait faire trop et je dis "bof, si vous voulez," je m'en fous, je resterai un des happy few à savoir que ce morceau est là, avec son poids, sa force, sa grosse batterie et ses claps, et la manière dont le refrain fait vibrer un désespoir heureux lorsque Damon Albarn, sur des chœurs bordéliques et des synthétiseurs vrillés, lance "I need someone to tell me everything will be alright/I need someone to hold me when the days turns to night/I need someone who loves me more than you do/Oh please say, that's not true." Le sens ? Je ne sais pas. Peu importe. Je veux dire, il y a ces mots, ils sont là et ils signifient quelque chose, et si plus personne ne me lit, ce n'est pas grave, parce qu'à la fin, il y a la coda, encore une coda, mais celle-là appuie quelque chose en moi, me détruit pour me reconstruire l'instant d'après, la guitare de Graham Coxon qui siffle, et la sentence définitive : "Days will be like this, all your life, and days will be like this, all your life." J'ai peur de cette phrase. J'ai peur de ce morceau. Je l'aime de tout mon cœur parce qu'il est moi. Je crois que je ne suis qu'une version mouvante et bruyante de All Your Life, une version incomplète aussi, mais j'imagine qu'elle sera complète quand tout sera fini, brutalement, à l'issue de l'impossible répétition des deux accords déchirants, en un dernier accord de piano brutal et sec qui n'est suivi que par le silence redevenu total. Et j'écris, j'écris, j'écris juste car je cherche une excuse pour ne pas avoir à dormir et ne pas arrêter d'écouter ce morceau. Chaque note restera dans ma tête puis se dissipera, m'obligeant à y revenir. Y revenir. Y revenir. Parce que la musique m'a détruit et me détruit encore. Parce que je suis en lambeau et que les choses sont ok. Et les jours seront comme ça. Toute ma vie.


Emilien Villeroy

9 commentaires:

  1. http://www.youtube.com/watch?v=3Gy460jacbk

    Bowie et Damon sont des potos, t'façon.

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  2. C'est une autobiographie d'Émilien que nous avons là? J'aime cet article.

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  3. Maman Villeroy15 juin 2010 à 21:11

    Je suis fière de toi, mon fils.

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  4. Meilleur réveille-matin (et berceuse couche-tard) ever. <3

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  5. Clap, clap. Letexte pourrait exister sans la musique qu'il aurait pour moi autant de sens. On ne parle plus musique là, on parle musique des mots. C'est un bout de roman qui ne parle de pas grand choses. Et putain que j'aime ces romans.

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  6. y'a donc encore des gens qui écoutent ce groupe... bon à savoir...

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