C'est entendu.

lundi 28 juin 2010

[Fallait que ça sorte] T2 - It'll All Work Out In Boomland

En février, je vous avais parlé de Messieurs Keith Cross & Peter Ross. Laissez-moi vous révéler, amis lecteurs, que rien n'avait alors été laissé au hasard, puisqu' en vous causant de "Bored Civilians," j'avais déjà pour projet d'attirer votre attention sur T2, le groupe précédent (et moins populaire) de Keith Cross. La dernière fois, je vous avais fait mirer le travail sur la folk et la pop de Cross, mais aujourd'hui, faisons table rase et parlons de son incursion dans le domaine du rock progressif. Celui des débuts, avant que King Crimson ne se mette à déraper, et avant que Genesis ne fasse des siennes.

(No More White Horses)

Qu'on se le dise, personne ou presque aujourd'hui ne connaît T2. Pour l'expérience, entrez les deux caractères dans votre moteur de recherche favori, ou mieux, demandez autour de vous et les plus chanceux de vos proches seront ceux qui auront compris (on ne sait comment) que votre question touchait à la musique. Étant donné le désert médiatique autour du trio, c'est dans l'ordre des choses...

En 1970, T2 était cette formation un peu obscure dont les mélomanes à cheveux longs amateurs de la scène progressive naissante et les gens "du milieu" pouvaient se targuer d'avoir eu vent. Aujourd'hui, c'est un groupe qui a finalement cédé le peu de place qu'il occupait dans la mémoire collective, et qui a sombré dans un oubli aussi vaste que ne l'était son talent. Car T2 était armé d'un grand potentiel, qui ne demandait qu'à exploser au grand jour. Au lieu de cela, un seul album studio fut mené à terme, en 1970 : "It'll All Work Out In Boomland." Peu de promotion, relatif échec commercial, les chiffres ne furent pas au rendez-vous. Du moins pas suffisamment pour que l'album ne parvienne à s'extirper du carcan de l'album de genre. Et pourtant, le premier né de T2 est une pièce maitresse du rock progressif car malgré son attachement aux codes du genre, il arrive à sublimer ce dernier. Malgré les solos furieux du jeune Keith Cross, alors âgé de 17 ans, la puissance de T2 se trouve contrebalancée par une délicatesse et une précision d'interprétation ahurissantes. Le chant si particulier de Peter Dunton, également batteur, apporte une unicité et une sagesse dans les compositions, et donne l'impression d'une longue plainte aérienne, si douce que l'on pourrait s'y plonger durant de longues minutes sans jamais en déprécier l'écoute.

Les trois hommes n'en étant pas à leur coup d'essai (Dunton avait mené Neon Pearl, où il travaillait déjà avec Bernard Jinks, le bassiste de T2, et aussi fondé par la suite Bulldog Bread, une formation garage rock dont Cross fit partie), leur musique se montra d'emblée empreinte d'une certaine richesse : les titres sont armés d'une narration puissante, à l'image de In Circles, ou encore No More White Horses. Les constructions sont plutôt complexes, et pourtant tout semble couler de source, tout semble venir naturellement à l'auditeur, le plus simplement du monde. Même sur Morning (21 minutes et quelques), tout s'enchaîne de manière si fluide que la durée se retrouve être un point fort du morceau. Les multiples changements de rythme rendus possibles par un jeu de batterie touchant au divin, les différents solos humides de réverbération, les gros accords plaqués et les mélodies vocales plus qu'accrocheuses font clairement perdre la notion du temps.

(J.L.T)

J.L.T, dans un sens, pourrait être le tube de l'album. N'ayant pas grand chose à voir, au niveau instrumental, avec le reste de la tracklist, c'est également le titre le plus court de l'album. Cependant, avec le temps, j'en suis arrivé à me convaincre que J.L.T possède au contraire de nombreux points communs avec les autres chansons et qu'elle apporte un argument de poids à l'album. En effet, avec le trio Dunton, Cross et Jinks, il n'y a pas de frontières fermes et définitives mais plutôt la possibilité de créer quelque chose de riche, sur une base progressive, et qui s'édifie au gré d'une pop nacrée, d'un soupçon de musique ambiante (on y retrouve cette lenteur, cette sérénité si particulières, et en même temps, de l'émotion à foison - il n'y a qu'à se laisser bercer par les violons finaux, pour ne citer qu'eux). Il s'en dégage par ailleurs un grand lyrisme, qui en plus d'être contemplatif, sollicite l'imagination. La mélodie du refrain, jouée successivement au piano puis à la guitare sèche, le jeu de batterie de Peter Dunton, que les mots ne suffisent désormais plus à décrire, les violons tout à l'arrière du morceau et cette basse si humble forment un très très grand moment musical, avec ses passages linéaires, ses moments de tension épiques, et son final enivrant. On atteint une plénitude béate d'admiration, et, en temps normal, on replace le disque sur la platine sitôt le sillon entièrement parcouru. Toutefois, je ne vous dirai pas combien de fois j'ai repassé le morceau, ni combien de temps je suis resté bloqué dessus sans trop pouvoir écouter autre chose.


Hugo Tessier


P.S. : Vous aurez très bientôt l'opportunité de lire un second FQCS concernant T2, et notamment leur deuxième album éponyme.

7 commentaires:

  1. C'est Émilien qui m'avait fait découvrir ce groupe il y a quelque temps déjà et c'est toujours avec beaucoup de plaisir que j'écoute ce groupe. JLT est samplée dans l'album de Strong Arm Steady par ailleurs !

    RépondreSupprimer
  2. Ouep, et ça rend parfaitement, même avec un beat hip-hop!

    RépondreSupprimer
  3. J'ai cet album enregistré sur une bande magnétophone en 1971 c'est MAGNIFIQUE mais personne a fait attention à ces superbes morceaux pleins de sensibilités.....

    Je suis à la recherche du vinyle ...

    RépondreSupprimer
  4. Armel

    MAGNIFIQUE et surtout remis dans le contexte début des années 70, tout en douceur, on en prend plein la gueule et surtout les oreilles....
    J'ai demandé à mon fils de commander le CD, trop BIEN...

    RépondreSupprimer
  5. Je ne m'en lasse pas, cette musique est sublime, que sont-ils devenus....les années 60/70 étaient pleines de bonnes choses, peut-être la nostalgie..

    Armel

    RépondreSupprimer
  6. j'avais ce vinyl dans une autre pochette depuis quelques années sans connaitre le groupe,maintenant c'est fait et merci!je le trouve vraiment génial et j'espère le retrouver en meilleur état pour continuer à m'eclater dessus.

    RépondreSupprimer