C'est entendu.

dimanche 31 janvier 2010

[They Live] En attendant "Les Femmes s'en Mêlent" à La Maroquinerie (ou comment Thao et ses copains ont réexpliqué le concept de l'indie rock)

Tout d'abord, je vous le dis tout de go, il n'y aura aucune image du concert dans ce live report. Et pourtant, Dieu sait s'il y avait des photographes vendredi soir à la Maroquinerie. Oh, il y en avait partout, tout le temps. Ils étaient absolument insupportables. Pas tous certes. La plupart, si. Que ce soit par le bruit des mécanismes en mode rafale qui parasitent les moments calmes ou par le fait qu'il se collent à vous, objectif à 2 centimètres de votre tête, et vous poussent pour prendre des photos quelconques qui finiront tout juste sur leur compte flickr, la conclusion est la même : il n'y a sans doute rien, à part les gens qui font des "pogos", de plus agaçant quand on assiste à un concert que tous ces types qui passent tout leur concert au premier rang, devant des gens qui viennent pour voir des artistes, à capturer la même représentation de "l'artiste sur scène," ne s'arrêtant que pour voir si le résultat n'est pas flou. Ce grand trop plein de photographes aux concerts devient de plus en plus insupportable au fil des ans, et si on a la chance de pouvoir se débarrasser d'eux dans les grandes salles au bout de 4 chansons, il faut bien dire que dans des espaces plus petits, on doit subir ce pensum jusqu'à la dernière seconde. Oh, je sais, c'est un métier, et ça se voit d'ailleurs à l'absence totale d'intérêt de ces personnes pour ce qui est joué sur scène. Mais dans ce cas-là, je préfère vous mettre des photos aléatoires plutôt que de cautionner ces ouvriers du diaphragme creux. Parce qu'à part ce léger désagrément, voilà une fameuse soirée à laquelle on a assisté en prévision du festival Les Femmes s'en Mêlent.

Ça a commencé par la jeune Sydney Wayser, arrivant seule sur scène, avec un petit bonnet et un air timide. Avec son look de fille qu'on peut rencontrer dans des concerts de pop-folk 00's, le genre de musique qu'elle allait nous jouer était comme écrit sur son visage. Mais, autant être honnête tout de suite, je suis absolument incapable de penser quoi que ce soit de mal de la musique de Sydney Wayser tant elle est faite avec une modestie charmante et une douceur qui désarme totalement le critique pas trop sadique. Évidemment, on a déjà un peu entendu ces morceaux doucement mélancoliques au piano, ces petites mélodies toutes simples, ces suites d'accords tristounes durant toute la décennie précédente, et le format dépouillé du concert ne laissait entendre ses morceaux que dans un contexte plus commun que si elle avait été accompagnée. Bien sûr, sa voix fait immédiatement penser à celle de Chan "Cat Power" Marshall période "You Are Free" - enfin, une Chan Marshall moins suicidaire et fatiguée qui arrive à finir ses morceaux tout de même, tant mieux pour elle - et elle abuse peut être un peu des petits "ohohohahhh" aigus et autres "toudoudoudidou" qu'on ne saurait décrire autrement que par le vague concept de "scat triste". Mais finalement, à force de bonne volonté et de gentillesse musicale, on est obligé de reconnaître qu'on passe plutôt un bon moment devant ces petites ballades, particulièrement celles jouées au ukulélé, un peu plus originales que les autres. C'est tout doux, c'est tout mignon, c'est même parfois touchant. Oui, c'est encore-une-fille-qui-fait-des-morceaux-mélancoliques-dépouillés-fatigués-tout-jolis. Mais dans le genre, c'est plutôt pas mal. Et puis elle a joué du kazoo sur un morceau, donc rien que pour ça, respect.

Puis c'est Basia Bulat qui est arrivée sur scène, et tout de suite, le ton a changé, assez radicalement. De l'ambiance de tristesse pour appartement citadin qu'on venait de quitter, cette songwriter canadienne nous a amené à la campagne, la campagne plutôt profonde, en l'espace de 30 secondes. On pourrait dire d'une certaine manière qu'une chanson folk, au sens plus traditionnel de folk, venu de "folklore", c'est une chanson dont les accords sont tellement simples qu'ils peuvent être joués sur une auto-harpe, vous savez, cet instrument à corde pour jouer duquel il vous faut appuyer sur des boutons tout en grattant des cordes, chaque bouton bloquant des cordes différentes pour faire automatiquement des accords qui sont forcément simplistes (si vous avez des lacunes, il vous reste wikipedia). La musique de Basia Bulat, c'est ça, c'est de la musique folk basique, celle qui martèle des enchainements harmoniques très simples, et qui chante... fort. Oh ça, oui, Basia s'époumone en tapant du pied avec quelques trémolos, et sa voix puissante a quelque chose de rural, de lourdingue. Et s'il y avait des fans dans la salle, qui ont même demandé à ce qu'elle joue certains morceaux (!!), je dois avouer ne pas être très réceptif à ces chansons finalement un peu bruyantes, un peu gueulardes, et surtout terriblement clichées. Certes, le format "seul en scène" ajoutait à ce coté folk bateau, ses albums (le dernier est sorti il y a moins d'une semaine) étant bien plus arrangés, mais le constat reste le même. La musique de Basia Bulat est un peu quelconque et fatigante.

En fait, tout cela n'avait valeur que de préparation à ce qui allait advenir après, à savoir le concert de Thao With The Get Down Stay Down. Avant tout, laissez moi vous dire que j'envisageais ce live en me disant que ça allait être "sympa". Les albums de Thao sont charmants et efficaces, et je m'attendais à une prestation honnête et agréable qui serait dans la même optique. Mais en fait non, je m'étais trompé : ce qui semblait être un simple trio efficace sur bande est devenu sur scène une machine monstrueuse à tube qui a tout compris. Comprenez moi bien, il faut selon moi définir la qualité d'un morceau d'indie pop principalement par sa capacité à être audio-addictif, par l'efficacité de sa composition, forcément, mais surtout par cette question simple : est-ce que c'est fun à écouter ou pas? Et finalement, ce qu'ont montré Thao et ses copains sur scène ce soir-là, c'est ce que devrait être tout le temps l'indie pop, et leur concert de se transformer en une véritable leçon de style de laquelle on ne peut ressortir qu'avec un sourire immense. Tout était là sur scène. D'abord les morceaux aux mélodies infectieuses dont les refrains peuvent vous rester en tête pendant des heures et des heures. Et ensuite l'énergie avec laquelle il faut forcément interpréter des chansons pareilles, une énergie juvénile, un peu je-m'en-foutiste, juste ce qu'il faut pour qu'on se sente en tant que spectateur à la fois proche du groupe, mais aussi éblouis par une aura de classe incroyable qui se dégage à chaque seconde. Que ce soit Thao qui saute partout et a failli perdre sa robe dès le premier morceau (moment embarrassant mais très drôle : "You remember Janet Jackson? Well..."), ou bien Willie, le formidable batteur, qui change de baguettes tout le temps, tape des tas de petites percussions et souffle dans un tuyau pour faire changer le son de son tom basse (enfin, je crois que c'était pour ça...), on regarde le groupe assez émerveillé et on s'amuse énormément. Tous les morceaux les plus efficaces des deux derniers albums seront joués, dans des versions parfois absolument surpuissantes, avec longs solos d'une Thao qui se révèle avoir un jeu de guitare bien plus complexe et subtil qu'on ne pourrait le croire. Et entre deux décharges soniques, elle fait des blagues, nous raconte qu'elle a parlé avec une petite fille de 4 ans après un concert en Belgique "parce qu'on avait le même niveau de maturité," demande au bassiste de faire un mouvement de danse qu'elle décrit comme "oh God, so sexual..." et nous montre même une petite lampe qui projette l'image de "oh, Roberto, how could I forget him", c'est à dire un mec en slip sur un décor de palmiers kitsch. Basia Bulat viendra même harmoniser un peu sur un morceau. Le concert a duré une heure et quelques, mais semble avoir été beaucoup trop rapide, le rappel arrivant forcément trop tôt (même si Thao nous disant que c'était le meilleur concert de la tournée nous a bien consolés). C'est à ça que l'on voit qu'un groupe est absolument ultime en live. A tel point que même l'ami Thelonius qui m'accompagnait, et qui n'avait pas écouté plus d'un morceau de Thao est ressorti absolument ravi du concert, allant jusqu'à s'acheter un tee-shirt du groupe, oui, un tee-shirt, son premier tee-shirt de groupe, lui qui ne porte de surcroit que des chemises. Oui, c'est ça l'effet Thao. C'est addictif et jouissif. Et c'est ce que devrait toujours être un concert d'indie-pop-rock-etc : un moment de joie, où tout le monde s'amuse et danse sur des morceaux cool.

Bref, une soirée qui a commencé délicatement avant une tête d'affiche glorieuse. S'il y a d'autres concerts de ce niveau-là pour le festival en Mars Les Femmes s'en Mêlent, laissez moi vous dire que je commence à compter les jours.


Emilien.

7 commentaires:

  1. un tapis et un plat dégueulasse pour illustrer un article consacré à un truc intitulé "en attendant Les Femmes s'en mêlent"... on pourrait vous accuser de sexisme ou de machisme éhonté!!

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  2. Fichtre, c'est pas faux, mais je n'aurais jamais pensé à faire ça je dois dire... je ne pensais même pas qu'on puisse le penser. Mmm. Je m'explique un peu alors : les images représentent l'image qui m'est resté du concert. Pour Syndey Wayser, qui portait une écharpe comme celle-ci d'ailleurs, c'était une image d'un truc plutôt joli et doux. Pour Basia Bulat, c'est de la poutine, un plat québécois où des frites baignent dans de la sauce barbecue, parce que c'était lourd et pas très ragoutant. Et pour Thao, bah c'était une descente en toboggan avec le groupe.


    oui, ok, c'était pas très explicite.

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  3. On pourrait nous accuser de sexisme, mais il faudrait alors qu'"on" n'ait pas lu l'article.

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  4. putain les photographes, je suis trop d'accord, le reste je m'en bats l'oeil, mais les photographes putain...

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  5. Et d'ailleurs ce n'est pas "un métier" puisque les vrais photographes (j'entends, ceux qui bossent pour quelque chose, qui en vivent quoi) apprennent une chose: à se faire discrets.

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  6. Je n'ai plus honte d'aimer Thao ! ouai !

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  7. Ravi d'avoir pu être utile cher anonyme. Assumons tous ensemble le fait d'aimer Thao, avec fierté et joie.

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