Il y a tellement de petits groupes qui sortent un e.p. et qui se séparent juste après que c'est vaguement déprimant d'y penser. C'est comme ces dizaines d'insectes morts que vous retrouvez dans votre lampe halogène. C'est pas triste parce qu'on rate jamais rien avec ces groupes, et puis ce n'est pas grave un groupe qui splitte, mais c'est fou de se dire qu'il y en a autant. Et aussi qu'on ne s'en rend même pas compte. En ce moment même, un groupe est en train de se séparer, et vous n'en savez rien. C'est une liste interminable. En 2003, par exemple, un trio s'est formé, du nom de Famous Boating Party. Ils faisaient de la musique folk étrange et un peu improvisée où la chanteuse vocalisait sur des poèmes de Kenneth Patchen. Ils ont sorti un e.p. de 6 titres qui s'appellait "Silvery Branches", sur le minuscule label/collectif Jewelled Antler, qui avait été créé par deux des membres du trio (ce collectif est lui même très lié à toute la scène qu'on baptise en vrac "avant-folk" ou "freak-folk" avec des gens comme Steven R. Smith ou Fursaxa). Après la sortie de cet e.p., le groupe s'est séparé, chacun retournant faire autre chose. Et c'est tout.
Reste donc un e.p., tout seul, de 19 minutes. Comme orphelin. Ce matin, c'est presque une adoption que je vous propose en tirant Famous Boating Party de son microscopique statut de groupe culte pour 3 folkeux connaisseurs enfin d'en parler sur C'est Entendu. Parce que la musique de Famous Boating Party mérite clairement votre attention, une attention entière que rien ne doit perturber. C'est presque un miracle de pouvoir entendre de la musique pareille. Sorte de dream folk psychédélique, mélancolique et lo-fi, le groupe distille une ambiance incroyable, où se mélangent des mélodies puissantes et un certain sens du flottement, la faible qualité sonore entourant l'ensemble d'une aura unique, comme le vestige d'une musique venue de très loin. Ces quelques petits morceaux de 3 minutes chacun sont des petites perles étonnantes, expérimentales mais maîtrisées, qui se révèlent finalement bouleversantes. Dans le morceau The Orange Bears, il y a ces accords, répétés sans fin dans une catharsis magnifique et subtile. La voix incroyable d'Eleanor Harwood est puissante, froide, forte, mais fait tout de même ressentir une douceur, une fragilité qui semblent surnaturelles. Elle se lance dans de longues notes tenues jusqu'aux larmes et c'est tout le morceau qui semble habité. Tout l'e.p. est ainsi, absolument fascinant et prenant, venu de Famous Boating Party, un groupe inconnu qui n'a vécu qu'un instant, laissant derrière lui cet étrange témoignage. Et, oui, tout se mélange étrangement, le son est sale, mais la beauté de la chose dépasse tout, supplante les grésillements, et ne restent plus que des mélodies au final : de la musique, tout simplement de la musique.
Emilien.
ca a l'air interessant. je le teste grace a un lien sur le x ray barbecue blog.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas (pas étonnant) ce groupe, et j'ai bien aimé ce morceau, au son un peu cradingue mais pas trop, et puis posé quoi.
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