C'est entendu.

mardi 25 août 2009

[They Live] Folkeux en sueur dans une maison de plage (Vetiver + Beach House + Los Chicros au Nouveau Casino)

Paris était en train de fondre en ce 19 Août 2009. Et moi aussi. Dans les 33° en après midi. Les terrasses des cafés débordaient, les gens sentaient mauvais, bref c'était l'été caniculaire sur la capitale, et je me rendais, déjà tout humide dans cette ambiance molle et moite vers le Nouveau Casino pour assister à un concert de saison, à savoir celui de Vetiver et Beach House, accompagnés par Los Chicros. Entrer dans la salle assez vide était une délivrance. Oh, air frais et ventilateurs à pleine vitesse. Bien sur, ça n'allait pas durer. Mais tout en profitant de cette courte accalmie, j'observais le public arrivant lentement dans la salle. Quel étrange mélange. Des proto-trentenaires tout gentils lecteurs des Inrocks (c'est pas un mal hein), des folkeux avec chemise à carreaux, des gens qu'on imagine amateurs de musique électronique hype avec leur lunettes à grosse montures. Des cons aussi. Mais j'en reparlerai, ils n'étaient pas encore tous là. La salle était d'ailleurs assez clairsemée quand Los Chicros arrivent sur scène.

Ma première réaction a été de me dire "ah tiens, ils existent toujours eux". Depuis leur présence sur la compilation CQFD way back en 2004 avec un morceau que, dans ma lointaine et douce puberté, j'avais trouvé sympathique, j'avais complètement oublié l'existence de ce quatuor français barbu. Devenu ce soir-là simple trio (le batteur devait être encore en vacances), Los Chicros ont joué un set qualifié d' "acoustique". Comprendre : plus minimaliste, et non pas "avec guitare sèche". C'est embêtant de confondre les mots comme ça. Parce qu'il y avait pas un seul instrument acoustique sur scène. Au contraire. Au lieu du groupe un peu folk/rock/calme que j'imaginais, voilà nos parisiens avec des tas de claviers et une ambiance bien sombre . Ouvrant sur un instrumental électronique et mélancolique, voilà le groupe qui convoque peu après la pop 60's à renforts de jolies harmonies vocales. La transposition "les chœurs des Zombies sur des synthés Roland" est tout à fait plaisante mais ne renverse jamais vraiment le spectateur. Pire, certains morceaux comme ce très embarrassant essai de slow doo-wop 50's avec suite d'accords plus clichée que la mort semblent montrer un manque d'ambition un peu gênant et assez français. Cependant, par fulgurances, le groupe touche finalement quelque chose, dans certaines montées très bien appuyées et libérées de toute filiation appuyée, et prouve que ces gens-là ont du talent. En ont-ils assez ? Difficile de juger après ce concert simplifié. Reste une bonne première partie d'un groupe tout à fait honnête. On a pas toujours cette chance.

La salle est assez pleine (pour un concert en plein mois d'Août), l'air chauffe, le bruit monte, et c'est ensuite Beach House qui vient sur scène. Beach House, c'est ce groupe de dream pop américain qui a sorti l'année dernière Devotion, un très chouette album planant et pop qui enchante ou endort selon les humeurs. Cependant, on était en droit de se demander comment diable le duo comptait retranscrire sur scène l'intimité de leurs disques? La réponse est simple : en amplifiant le son. Rendez-vous compte, j'ai presque regretté de ne pas avoir pris de boules Quiès durant le concert. Augmentés d'un batteur, Beach House surprend par sa puissance complètement mésestimée. Dès le premier morceau, les nappes d'orgue Farfisa vous entourent, vous êtes encerclé par un mur de son inattendu. La batterie, lente et lourde, résonne dans vos os. Et au milieu de tout ça, la voix grave de Victoria Legrand, qui semble sortir sans aucun effort d'un corps épuisé, puissante sinon rien : comment une fille cernée avec son manteau trop grand et troué, qui joue sans regarder son clavier et avec les yeux dans le vague arrive à chanter ainsi, c'est un mystère, c'est un miracle.

Soudain, c'est toute l'idée qu'on pouvait se faire de Beach House (groupe mou, lent) qui est remise en question face à ce cocon sonique assez hypnotisant ; dans le public, beaucoup de gens ont les yeux fermés et écoutent avec une attention totale, dans une douce transe. A la guitare, Alex Scally (et sa très belle moustache) lance des arpèges sublimes, entre surf rock 60's et ambiances précieuses d'un groupe comme Mazzy Star. Tout le monde est noyé : Victoria dans ses cheveux, les guitares dans de la reverb, nos oreilles dans ces nappes de sons. Sur des morceaux comme Gila, c'est absolument magnifique et prenant. On est entre deux impressions : celle d'un groupe pop aux mélodies magnifiques et légères, et puis en même temps cette ambiance de plomb, fantomatique, funéraire qui rend les morceaux parfois absolument déchirants, mais sans forcer le trait. Et la température de monter encore un peu sur cette musique glaciale, Victoria de lancer "je suis une piscine" ou "nous sommes tous dans une grande salle de bain". Cette prestation impeccable aura duré le temps d'une douzaine de chansons seulement, dont certaines issues de leur prochain album, prévu pour l'année prochaine, et qui m'ont semblé peut-être un peu plus énergique, mais surtout très réussies. Et le groupe de finir sur Heart Of Chambers, peut être le meilleur morceau de Devotion, dans une version à l'image de cet excellent concert : puissante, dramatique, magnifique.

Pris qu'on était dans la marré sonore de Beach House, on les a pas entendus. Mais ils étaient arrivés entre temps. Ah, que Paris serait mieux sans les parisiens. Ces types qui viennent à des concerts pour boire des coups et papoter au bar. Oh qu'ils sont laids, oh qu'ils sont nuls, oh qu'ils sont bruyants. Quand Vetiver arrive sur scène, ce non-public qui s'accrochait au fond de la salle faisait un raffut absolument terrifiant, on se serait cru en boite, ils parlaient pour couvrir le son. Sauf que les artistes étaient là sur scène, et quand Andy Cabic, avec son chapeau et à sa guitare sèche a lancé les premiers accords de Rolling Sea, on aurait dit que c'était lui le bruit de fond. Il faut dire que la musique folk et gracieuse de Vetiver, elle aurait pris tout son sens loin d'ici, loin de ces idiots, dans un parc, en pleine après midi, avec la chaleur du soleil qui accompagne les beaux arpèges et les jolies descentes harmoniques. En soi, Vetiver est un groupe qui pratique plus un certain artisanat qu'autre chose. Ne surtout par prendre ça péjorativement, je le dis avec énormément de respect. Ce qu'offre ce groupe, avec sa batterie qui tapote gentiment, sa basse bien ronde, son petit clavier simili-Rhodes et ses harmonies vocales qui nous évoque l'Amérique des grands espaces, c'est tout simplement un prolongement d'une musique folk qui prend ses racines très loin. En soi, le groupe n'invente rien (les fans diront que non, mais soyons honnête), il ne fait que continuer un héritage musical, mais sans aucune forme de révérence, il fait son boulot. Des reprises pendant le concert qui en disent un peu sur les origines, comme celle de Fleetwood Mac (introduit ironiquement par un "j'ai appris que fleetwood mac était moins connu par ici que, mettons, en californie! c'est étonnant!"), mais on a surtout là un groupe qui réactualise la tradition sans la trahir avec un enthousiasme assez réjouissant.

Alors oui, c'est parfois un peu long, certaines ballades des premiers albums sont un peu plates, mais c'est la plupart du temps réussi, et certains morceaux du récent Tight Knit passent très bien en live (le concert a commencé avec les 3 premiers morceaux de cet album dans l'ordre, dont l'entraînant Everyday dont Joe vous avait parlé avec enthousiasme). Et puis quand ils accélèrent le tempo sur des morceaux sautillants, la bonne humeur du groupe est vraiment communicative même si on aime pas vraiment le genre, comme moi. Enfin, peut être pas assez communicative pour que les piliers de bars dans le fond acceptent de la fermer. Mais ces gens là n'aiment rien. Désespéré, un fan du groupe a coté de moi tentera bien des "maiiis chut!" durant les morceaux plus calmes. En vain. Mais peu importe, voilà un groupe très sympathique qui met du cœur à l'ouvrage : il fallait voir Cabic mourir de chaud, sa chemise entièrement trempée, sa guitare pleine de sueur, des gouttes tombant du manche par moment, et qui nous disait "il fait chaud hein?" comme si tout allait bien. Pas forcement le meilleur concert du monde, mais savoir que ces gens-là aiment ce qu'ils font et le font plutôt bien, ça redonnerait presque foi en la musique. Et on a tous besoin de ça de temps en temps.


Emilien


ps : merci à Garance Production pour les invitations.

nb : photos lives non contractuelles respectivement par Hippies Are Dead (pour Beach House) et le Denver Post (pour Vetiver)

3 commentaires:

  1. De une, tu m'as quasiment donné envie de redonner sa chance à Devotion, et de deux, j'aime pas trop le "presque" dans ton avant dernière phrase :D

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  2. Fameux papier Henry Papier !

    Je sais pas de quoi tu causes mais ça me cause et j'ai l'impression que c'est à moi que tu causes. Quand on connaît pas du tout les groupes cités mais qu'on lit jusqu'au bout avec intérêt, c'est signe d'un sacré papier !

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  3. Par contre c'est "Garonne production"

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