C'est entendu.

dimanche 22 mars 2009

[Vise un peu] U2 - No Line on the Horizon

Faire de la musique son métier, c'est devenu très difficile de nos jours. L'industrie du disque est à bout de souffle et peu de musiciens de qualité arrivent à percer, et ce à cause de deux catégories de personnes.
Tout d'abord, il y a les "artistes" consensuels, chiants si vous préférez, qui sont signés par les majors pour sauver les meubles. Ces personnes ne prendront jamais le moindre risque, et serviront encore et encore leur musique la plus plate afin de garantir une part de marché minimum à la major. On ne peut rien attendre d'intéressant venant de ce groupe.
L'autre catégorie regroupe les vieux de la vieille. Ces musiciens signés depuis plus de dix, quinze, vingt, voire quasiment trente ans dans le cas de U2, et qui continuent à s'accrocher, embarquant dans leur sillage d'énormes budgets (publicité, enregistrement, salaires, royalties) de la part des majors, et leur rapportant de gros paquets d'oseille à chaque sortie, à chaque concert. De ce groupe-ci, on peut encore attendre quelque chose. Il arrive que des mastodontes sortent un album que la critique trouvera intéressant (David Gilmour ou Bob Dylan en 2006, par exemple)...

Cependant, peu de ces dinosaures ont encore quoi que ce soit à nous raconter. Quel que soit l'artiste, après une moyenne de dix albums, l'éventail des possibilités se restreint et l'essor créatif s'essouffle. C'est le cas des Rolling Stones par exemple, ou de REM dans une moindre mesure...

Qu'en est-il de U2 ? S'entourer, comme à l'accoutumée, de Brian Eno et Daniel Lanois (souvenez-vous, ils étaient tous les deux présents pendant l'enregistrement de The Joshua Tree, en 1987) est un choix difficile. En effet, Eno et Lanois sont connus pour leur approche innovante et expérimentale de l'enregistrement en studio, mais d'un autre côté, ils connaissent U2 comme leur poche, et il est bien plus difficile d'avoir un oeil neuf ou innovant sur une musique que l'on a déjà contribué à développer et remanier, et ce depuis vingt années.
On se souviendra tout de même de l'impensable retour en grâce du groupe en 2000 avec un LP très correct (All That You Can't Leave Behind), histoire de se dire que tout est possible.
Et tout de suite après on repensera avec l'horreur à l'album suivant, quatre ans plus tard (How to Dismantle an Atomic Bomb), un cauchemar.

Votre curiosité devrait désormais être titillée: "Il est comment ce disque, dis le nous !?"
Sans entrer dans les détails, dont tout le monde - vous compris, moi le premier - se fout éperdument, No line on the Horizon est bien mieux réalisé, composé, arrangé et produit que son prédecesseur. Le travail d'Eno et Lanois lui donne un peu de couleur, et les compositions ne sombrent pas dans l'auto-parodie aussi aisément qu'il y a cinq ans.
Par contre, ce disque est inutile. Totalement inutile.

Vous voulez un tube ? Un hit ? Un gros single qui tabasse de rock qui s'envole ? Allez écouter Metric, Handsome Furs, voire le single des Yeah Yeah Yeahs.
Vous voulez de l'expérimentation ? Allez écouter Animal Collective, Here we Go Magic ou Akron/Family.
Vous voulez un dinosaure en culottes courtes ? Attendez quelques semaines, Neil Young va sortir un nouvel album, et il sera certainement digne d'intérêt.

N'achetez pas le nouveau U2 par curiosité, ne l'écoutez pas pour découvrir leur musique, ne l'achetez pas si vous voulez faire aimer le rock à quelqu'un, n'en parlez pas autour de vous, niez en avoir entendu parler, niez avoir lu cette chronique. Tant de jeunes gens fougueux, inventifs et intéressants pourraient sortir des disques passionnants, mais à la place, on nous refourgue à intervalles réguliers des disques sans saveur de gens dépassés par le temps, et vides de l'intérieur après trop de temps passé à se regarder le nombril.


Allo Bono ? Ow, on se fait un nouveau disque dans quatre ans, ça te va ?

4 commentaires:

  1. Très belle critique, peut-être ta meilleure.
    Même si le mot "inutile", et donc la notion d'utilité, me gêne un peu pour parler de musique, et donc d'art.

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  2. A partir d'un certain seuil de vide, la musique devient muzak, et n'est plus, à mes yeux, en aucune sorte de l'Art.
    Prenons un artiste de musette. Le meilleur qui soit, ne me demande pas qui, je n'y connais rien aux artistes de musette. Eh bien, tout meilleur dans sa catégorie que soit cet artiste, si sa musique, après des décennies, ne ressemble plus qu'à un cliché parodique de ce qu'elle fut, il n'invente plus rien, il ne fait que répéter.
    Après, si l'on considère qu'une copie de Van Gogh est à l'Art l'égal d'un original de Van Gogh, ma théorie tombe à l'eau. Mais si l'on pense ça, l'on est bien idiot.

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  3. Superbe critique. Très certainement ta meilleure, je le pense aussi. Un régal à lire :) Et puis ça tombe bien parce que je comptais vraiment pas écouter cet album, with or without you je comptais pas l'écouter, même si c'est toujours mieux d'écouter des albums without you, pour éviter de subir ta personne physiquement.

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  4. Mouai... Je suis pas convaincu par ta réponse, Guiseppe !

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