C'est entendu.

mercredi 18 mars 2009

[Vise un peu] Handsome Furs - Face Control

Je vais être clair avec vous, clair comme de l'eau de roche d'Izem, dans l'Eure. Cet album est sorti il y a moins d'une semaine, et il est pourtant le favori pour obtenir le titre tant désiré de Meilleur Album de 2009 Neuf Mois Et Demi Avant L'Heure.
Cela dit, je veux aussi vous rassurer: la pochette de cet album figure déjà tout en haut du classement international des pires artworks jamais réalisés pour un disque, c'est à en dégoûter le collectionneur, qui préfèrera acheter des mp3s plutôt que d'investir ses euros dans un vinyle au coloris dégueulasse, qu'il ne pourra jamais exposer dans sa bibliothèque Ikea sous peine d'occasionner bon nombre de crises d'angoisse chez ses invités... WHO AM I KIDDING? Cette pochette est géniale et je pense sérieusement acheter un 33 tours de Michel Sardou histoire d'accrocher celle-ci à côté de la plus grande gueule de France, et m'auto-occasionner un méga boner à chaque fois que j'entrerai dans la pièce. Imaginez le tableau:






Bon, ça, c'est du Pop Art, ou QUOI ?

Imaginez-ça chez vous, placardé en face de la porte d'entrée. Et si vous n'y arrivez pas, imaginez-le chez moi.
Parlons un peu de la musique, maintenant, si vous voulez bien.


Face A

1 Legal Tender
2 Evangeline
3 Talking Hotel Arbat Blues
4 (Passport Kontrol)
5 All We Want, Baby, Is Everything
6 I'm Confused


Il faut concevoir ce disque par rapport à ses deux faces. La première, essentiellement uptempo, est ce qui est arrivé de mieux au rock'n roll depuis des années. Vous vous souvenez de Plague Park, le premier album de Handsome Furs ? Vous ne l'avez jamais écouté ? Réveillez-vous, il est toujours temps de prendre le train en marche, vous avez juste deux ans de retard !
Plague Park était facilement appréhendable comme un "projet parallèle" de Dan Boeckner. Parallèle à quoi ? A son autre groupe, Wolf Parade. Sur la majorité des titres, la boîte à rythme et les claviers joués par Alexei sur Plague Park semblaient d'avantage suivre le mouvement initié par le songwriting de Boeckner (j'excepte volontiers Dead+Rural avant que les fins connaisseurs ne me reprochent de ne pas le faire).
La différence est que Face Control ressemble bien plus au travail complémentaire d'un duo. Au commencement de chaque chanson semble ici se trouver la boîte à rythme (Legal tender, Evangeline, Thy will be done) ou le clavier (Officer of Hearts, (Passport Control), (White City)).


Legal Tender

Qui plus est, Face Control est un concept-album. Evidemment, tout le monde en a "plein le dos des concept-albums, qu'ils nous lâchent avec ça, et que Handsome Furs laisse ça à Neil young ou à ces progueux de Decemberists!", oui je sais, mais ne soyons pas esclaves de nos préjugés, voulez-vous ? Boeckner tente ici une approche un peu moins futuriste et orwellienne de la critique de l'état de non-droit que celle lancée en 2007 par Trent Reznor sur son légèrement décevant Year Zero. Ici, l'action est placée dans une Russie pas-si-fantasmée-que-ça, absorbée lors de la tournée précédente, et présentée sous forme d'un joug totalitaire omniprésent et silencieux, comme le dit Boeckner: "la vie sous une surveillance constante" à travers "les comptes facebook, les myspace, les comptes crédit/débit, les cameras de surveillance, et les GPS."
Cette atmosphère de paranoïa (le berger allemand de la pochette, vous le pigez, maintenant ?), le duo la retranscrit dans la musique, à travers des rythmes plus urgents qu'auparavant, une économie de moyens militante, et des mélodies torturées par la voix cassée de Boeckner, sa guitare saturée, et le rythme martial du jeu de Perry.


Talking hotel harbat blues



I'm confused



Face B

7 (White City)
8 Nyet Spasiba
9 Officer of Hearts
10 (It's Not Me, It's You)
11 Thy Will Be Done
12 Radio Kaliningrad

Il existe à ma connaissance deux tendances très suivies en ce moment, dans la pop musique Nord Américaine: Le shitgaze et le retour aux années 80. Il y a aussi une fâcheuse tendance chez nombre de groupes à systématiquement choisir Dave Sitek pour produire leurs disques, mais ce n'est pas le cas des Furs, alors n'en parlons pas.

Le shitgaze, c'est quoi ? La réponse est peut-être ici, ou bien au fond de votre cuvette, qui sait ? En tout cas, ce genre mêlant noise rock, shoegaze et minimalisme ambient est certainement la pire chose arrivée au rock depuis des années, et elle touche de plus en plus de groupes, de près ou de loin. Heureusement, les Furs semblent avoir compris la seule chose à comprendre par n'importe qui décide d'insérer un ou plusieurs interludes musicaux dans un disque de pop: il faut du contenu. Du dub hypnotique de (Passport Kontrol) au clavier asiatique croisé avec Jacno sur (White City) le contrat est respecté. Seul (It's not me, it's you) semble ne pas avoir passé la seconde et être resté bloqué dans les starting blocks du shitgaze, acquérant ainsi le statut de seul morceau passable du disque.



Le retour des 80's dans la pop, sous forme de synthés vintage, de boîtes à rythmes, et d'arrangements osés, j'y suis personnellement très favorable. Depuis le début du siècle, la pop est enlisée dans des mouvements salement mous, comme le "retour du rock", qui aura été bref, quelque peu vain, et s'adressait majoritairement aux jeunes teenagers en manque d'idoles. Dans le même temps, le Post Rock tirait ses derniers coups, resuçant sa propre moelle jusqu'à engendrer des bâtards pire que tout ce que les pionniers du genre auraient pu imaginer avoir à combattre en le créant. Il y a ensuite eu The Arcade Fire et la déferlante de pop mielleuse venue tout droit du Canada, et depuis 2004, le tsunami n'en finit plus de ravager les côtes d'une pop plus intéressante à grands coups de gentille tristesse, d'anti Bush facile, et de folk progueux à demi honteux. Alors, si revenir aux sonorités des années 80 est le seul moyen pour entendre autre chose, pour expérimenter, pour aller plus loin, eh bien soit. Un pas en arrière, deux pas en avant - à moins que ça ne soit l'inverse.
Comparez la musique des Furs à celle de New Order (All we want baby is everything), ou à celle de Suicide (Talkin' Hotel Arbat Blues), et le chant de Boeckner à celui de Bowie, si vous voulez, toujours est-il que le groupe s'approprie le strict minimum de la panoplie du parfait fan des années 80, et s'en sert pour donner vie à des brûlots furieusement vifs (Nyet Spasiba, et son refrain en forme de résistance armée face à l'armée en marche de ses couplets).


Thy will be done

Vous l'aurez compris, le second LP des Handsome Furs est mon chouchou, c'est une réussite, un disque de rock'n roll raffraichissant, dansant, et qu'il faut écouter (et acheter) très vite.



P.S. : Retrouvez les Furs sur Myspace.

10 commentaires:

  1. T'es grand. J'ai pas tout saisi à tes références parce que je les ai pas toutes, pas encore, mais je vais le relire. Et je suis bien d'accord pour dire que c'est à l'aise un grand disque, le plus grand certainement de ce début d'année (d'autant que j'ai rien écouté d'autre).

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  2. La qualité de tes articles s'améliore drôlement.
    Même sur un "un peu long" comme celui-ci, ça se lit bien, ya du rythme et tout. Tu BLOGGES quoi.
    C'était mon avis sur la question, parce que mon avis sur l'album hein bon.

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  3. Voilà. Poste le sur RYM, poste le partout ! Ce groupe est grand, cet album est IMMENSE.
    Radio Kalingrad en toute fin de disque est une tuerie aussi.

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  4. Tant qu'à faire dans les pochettes de goût douteux sur fond monochrome qui pète et la juxtaposition facétieuse, je mettrais plutôt "Songs About Fucking" de Big Black à côté.

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  5. Le chien a un oeil de robocop ?

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  6. Le chien t'a à l'œil. Fais gaffe à ta gueule si tu n'écoutes pas ce disque !

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  7. Aronofsky va faire un remake de RoboCop. Je vous le dis, vous en faites ce que vous voulez. Je balance de la trivia partout où je fous mes pieds dégueulasses !

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  8. Les paroles de Boeckner peuvent aussi bien s'appliquer à la Russie qu'à Hollywood et son idéologie surréaliste de ces dernières années. Qui a bien pu foutre le scénar d'un remake de Robocop dans les mains de ce taré d'Aronofsky, qui ?

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  9. Hey j'avais rien dit de sérieux en comm's de cet article ?! Moi le fan, moi le fin limier, moi l'amateur ?! Alors je le fais :

    Pour moi Face Control est supérieur à Plague Park, car Boeckner est mieux parvenu à se démarquer de ce qu'il fait pour Wolf Parade. Et c'est une des rares albums que j'attendais beaucoup et qui a dépassé mes espérances. Que dire d'autre ? Mo cuishle !

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  10. Un type malin selon moi, car ça se tient avec le reste des influences et tout. Ca m'étonnerait pas que ça soit lui qui ait eu l'idée, sans qu'on lui foute dans les mains. Aronofsky pourra faire un truc intéressant. Je lui fais confiance maintenant.

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