Est-ce parce que c'est mon premier message sur le blog d'un mec avec une guitare sèche dans le cœur, d'un aficionados de Hank Williams, d'un type qui pourrait se faire un tatouage "Johnny Cash" sur le bras gauche (je connais quelqu'un qui a fait ça pour de vrai), bref d'un vrai cowboy? En tout cas, je vais vous parler de Country aujourd'hui, et je vous demande de ne pas partir tout de suite, s'il vous plait, parce que le groupe Big Blood demande toute votre attention.
Certes, j'exagère un peu (beaucoup), ce n'est pas vraiment dans le style country-western pur et dur qu'œuvre ce "quatuor fantomatique" (manière classe de dire que c'est un duo parfois rejoint par d'autres personnes sur scène), même si on y retrouve tout des éléments types du genre : du banjo, de l'harmonica, de la guitare toute sèche, de l'harmonium/accordéon et une chanteuse haut perchée à la voix qui couine. De plus, même la plus distraite écoute de leur album Space Gallery Jan. 27, 2007 permet de voir qu'on a affaire à quel chose de typiquement contemporain, même si les musiciens semblent parfois coincés dans un espace temps musical parallèle au notre. Cependant, ce qui charmera d'emblée l'auditeur de Big Blood, c'est bien ce décalage, l'incongruité de sortir en 2007 un album aussi proche des racines de la musique folklorique amércaine, aussi suranné mais pas vieillot, n'étant jamais dans l'hommage stérile, mais plutôt dans la descendance digne de ce nom. Les gens à genre placeront vite ce groupe dans la New Weird America. Vous savez, oui, la New Weird America, ce mouvement absolument naze rempli de groupes qui sortent 9 CD-R par an de folk mou et de drones amateurs sur lesquels, entre deux improvisations vides, ils psalmodient niaisement, pataugant sans vergogne dans la reverbération et la platitude, vous savez, les gens comme les MV&EE, les No-Neck Blues Band, les Fursaxa, j'en passe et des pires. Je serais d'accord pour les mettre la dedans. Mais ce serait alors le seul groupe indispensable et génial de cet ensemble nébuleux, le seul qui réusisse réellement à créer une ambiance incroyable dès la première note, mais sans oublier d'écrire des chansons incroyables.
A l'origine de Big Blood, y'a une histoire d'amour entre deux musiciens, Colleen Kinsella et Caleb Mulkerin, tout deux membres du défunt collectif Cerberus Shoal, ayant débuté dans les 90's, qu'on classera de "post-rock" avec des pincettes. Avec la fin de ce groupe, ils se sont mariés, ont eu un bébé, et ont crée Big Blood, trois bonnes idées, surtout la dernière. Le principe de ce groupe est assez simple : ils font des concerts avec uniquement des morceaux inédits, puis ensuite, ils rentrent chez eux et enregistrent à nouveau ces morceaux pour les sortir en cd-r au prochain concert, etc. Autant dire qu'ils sortent pas mal d'albums (5 en 2007 par exemple) et qu'ils restent perpétuellement productifs depuis leur création, en 2006. Mais là où c'est très fort, c'est que ce groupe ne semble jamais manquer d'inspiration, faisant des reprises inventives (comme Vitamin C de Can, si si), et que chacun de leurs albums, quelles que soient leurs qualités respectives, ne sentent jamais le remplissage ou la composition à la va-vite. Pour quoi faire? Ils font ça chez eux et ont créé leur propre mini label pour sortir des cd-r, il n'y a aucun enjeu à part celui tout simple de faire de la musique. Et c'est là que Big Blood gagne, parce que c'est un groupe qui a tout compris et joue sans pression, qui ose se lancer dans des morceaux de folie remplis de banjos anachroniques au milieu desquels Colleen chante comme une Joanna Newsom moins maniérée (même si, chronologiquement, c'est Joanna qui chante comme Colleen, enfin bref). C'est une musique remplie de mélodies, d'émotions simples, et qui est toujours belle.
Prenons par exemple ce Space Gallery Jan. 27, 2007. Dès les 7 premières minutes du morceau d'ouverture Glory Haze, on est emporté dans un tourbillon épique, trop étrange pour être taxé de country, et pourtant si "traditionnel", si "vrai". Tout l'album se joue là, dans cette musique d'une Amérique campagnarde, accueillante, aimable et pourtant incompréhensible et bizarre, surtout pour nous pauvres Européens qui n'écoutons du banjo que depuis que des groupes indie en utilisent. Et quand le groupe s'aventure dans des ambiances plus sombres et expérimentales, n'hésitant pas à mettre des effets de delay ou des voix psychédéliques passées à l'envers comme sur l'excellent Don't Trust The Ruins, c'est à couper le souffle. Les morceaux s'allongent parfois dans des durées longues pour le genre (7 minutes, c'est parfois beaucoup quand on tient sur 2 accords), et pourtant, on ne s'ennuie pas une seule seconde. Big Blood est une étrangeté absolument géniale qu'il faut absolument écouter, pour peu qu'on aime la musique folk, au premier sens du terme. Si c'est votre cas, alors vous trouverez peut-être dans la discographie pléthorique du groupe des albums sur lesquels l'étiquette "chef d'œuvre oublié des 00's" irait très bien. C'est celle que je mets sans hésiter sur Space Gallery Jan. 27, 2007.
Une vidéo live chez WFMU, mais notons que l'album que je vous propose d'écouter est un peu plus énergique que ça (pas beaucoup plus cependant) :
Vous pouvez télécharger Space Gallery Jan. 27, 2007 en cliquant sur la pochette en haut de l'article, le groupe encourage le partage de ses albums.
Super (premier?) article Emilien !
RépondreSupprimerJe suis à priori moins fan du "morceau youtube" que de ton article, mais toutes mes félicitations néanmoins :)
Ah ben oui premier, tu le dis au début, chui con. J'ai mis mon slibard à l'envers ce matin, pas côté cul sur le sgeg, je veux dire avec les lacets tournés vers l'extérieur, et depuis j'ai les idées retournées...
RépondreSupprimerTiens, je ne connaissais pas la New Weird America, mais par contre je connaissais Cerberus Shoal à travers leur collaboration avec Herman Düne, il y a quelques années. MV&EE, comme tu le dis, c'est intrigant sur le papier, mais ça reste très moyen en réalité, voire carrément ennuyeux parfois.
RépondreSupprimerEn tout cas, fameux article, je m'empresse de télécharger l'album !
Alors en fait, j'ai mis la vidéo histoire qu'on puisse voir à quoi ils ressemblent, mais l'album est plus bizarre que ça, en tout cas un peu moins "conventionnel", et ils ont fait encore plus étrange dans d'autres albums, mais BON, je connais pas encore très bien toute leur discographie. je conseille plutôt de prendre l'album et de se faire un avis ENSUITE.
RépondreSupprimerLa New Weird America, tu la connais sans la connaître, via des types comme MV&EE : tout le mouvement est comme ça, chouette sur le papier mais beaucoup moins sur disque. (c'est un type qui a essayé au moins 6 groupes du genre qui parle là)
sinon, merci pour vos compliments!
Je précise que les deux chansons que vous pouvez écouter dans le player de gauche ne figurent pas sur cet album-ci, mais elles sont quand même méga bien, alors ne vous en privez pas !
RépondreSupprimerPar ailleurs, si le groupe vous a plu, vous devriez aller jeter un œil par là:
http://pessimistclub.blogspot.com/2009/03/big-blood.html