C'est entendu.

jeudi 19 mars 2009

Page Blanche # -4

par Joe Gonzalez
art par Jarvis Glasses


L'île déserte


Mon cumulus a rouillé par le dessus. L'eau s'en est écoulée pendant la nuit et je me suis réveillé pris au piège d'un lit humide, radeau de la méduse surnageant au centre d'une chambre (et probablement d'un appartement) envahi par les eaux. Ce genre d'évènements vous fait réfléchir sur les choses importantes en ce bas monde: le confort, les bonheurs matériels, la vie, la mort, l'amour, et surtout, surtout, ces fameux foutus cinq disques que vous amèneriez avec vous sur une île déserte.

L'île, j'y suis maintenant depuis une bonne heure, coupé du monde - frigidaire, toilettes, prises électriques, paracétamol, papier, stylos - mais toujours en possession de mon ordinateur portable, que j'avais laissé sur un tabouret, près du lit, lequel tabouret s'est retrouvé flottant, branlant, à un mètre cinquante de moi, à distance suffisante pour effectuer une mission de sauvetage, deux minutes après que mes yeux se soient ouverts, avant même de chercher à atteindre mon téléphone portable ou de penser à réveiller ma copine... Voyez, l'ordinateur portable est quasiment mon poumon gauche, mon premier geste fut donc de le sauver des eaux. J'ai appelé les secours, mais ils m'ont prévenu que la manifestation maousse prévue par les syndicats occuperait la plupart de leur temps, et qu'ils ne pourraient se déplacer avant plusieurs heures. Sans courant électrique, l'ordinateur n'a qu'une durée de vie limitée, ce qui fait que j'ai du choisir comment occuper ce temps, et ce en faisant un choix méticuleux parmi la sélection de disques convertis en mp3s sur le disque dur de ma machine.

C'est toujours un choix cornélien et c'est souvent un choix de l'instant, à savoir que l'on choisira peut-être plus aisément des disques dont on a envie sur le moment, mais qui ne sont pas un reflet parfait de l'étendue de nos goûts. Quoiqu'il en soit, j'étais pris par le temps, et mon choix fut somme tout assez rapide, à savoir:






C'est certain, c'est un peu réducteur mais on ne peut pas faire et défaire les règles à l'envi, après tout qui sommes nous pour le faire ? Nous ne sommes que des hommes (et des femmes). Toujours est-il que les quelques heures me séparant de l'instant fatidique où ma batterie lâcherait furent occupées par l'écoute religieuse de ces cinq joyaux. J'ai une méthode infaillible pour reconnaître un disque potentiellement sélectionnable pour cette catégorie: si je possède déjà un exemplaire et que j'ai quand même envie de l'acheter quand je tombe dessus, ou lorsqu'une réédition parait. Figurez vous que pour une journée passée en isolation, sur mon îlot de couvertures et de matelas, eh bien ce fut une bonne journée, parce que j'avais su bien m'entourer - et je n'insinue pas que ma copine ou le chat ne sont pas de bons compagnons.

Ma batterie est presque vide, mais laissez moi vous donner un conseil: réfléchissez à cette fameuse "discothèque idéale de l'île déserte". Réfléchissez-y car vous êtes matérialistes, égoïstes, geeks - nous le sommes tous - et vous risquez tous, un jour, un matin, en vous réveillant, de vous retrouver perdu en mer, comme c'est mon cas. Et ce jour-là, vous serez bien heureux de savoir quoi choisir, et comment le choisir. Ce jour là vous me remercierez de vous av

13 commentaires:

  1. Sur une île déserte, j'emporterais :

    • Meteor Circuit de Nerve Net Noise. Histoire de perdre la raison tout de suite. Ça sera plus rigolo pour les gens qui tomberont sur l'île cent ans plus tard et qui trouveront des gravures en forme de spirales partout sur les palmiers, des inscriptions genre "LES SINGES INVISIBLES VEULENT ME TUER" et un squelette avec des bananes dans les oreilles et des bouts de t-shirt sur la tête. Ou alors peut-être qu'à force de l'écouter plein de fois, cet album deviendra génial à mes oreilles, je sais pas.

    • I Like Major Chords Very Much de Le Aids, et j'enregistrerais toutes les deux semaines ou tous les mois une reprise de 'Ukulele Song'. Ça fera un document intéressant si j'arrive à survivre assez longtemps : les premières versions seront jouées complètement faux, avec hésitations, trous dans le texte etc. Ensuite ça deviendra progressivement de plus en plus juste. Puis ma voix deviendra de plus en plus vieille, et/ou ma raison me quittera, et à la fin ça sera des versions complètement tarées qui feront peur.

    Et puis Big Calm de Morcheeba, parce qu'il y a la chanson qui me rend un peu de moral quand ça va pas dessus ('Blindfold'), et puis Dirt d'Alice In Chains, et peut-être un truc de Nine Inch Nails je sais pas.


    De toute façon au bout d'un moment je m'en lasserais, de ces disques.

    Il y a déjà des disques géniaux que j'ai trop écoutés, et c'est si dommage. : (

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  2. Oh le premier album de Le Aids, c'est l'un des grands absents de mon choix. C'est l'album le plus varié, joyeux, fou, ressourçant et inspirant de ce début de siècle, je crois.
    En tout cas, pour toi, l'île déserte équivaut à la folie, ce qui démontre à quel point le confort matérialiste et la présence d'autrui te sont chères.

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  3. J'emporte Washing Machine de Sonic Youth pour passer des heures à comprendre la recette et l'essence du rock le plus pur.

    J'amène aussi Odelay de Beck pour faire la fête avec les noix de coco.

    Je prends Odessey & Oracle des Zombies pour rêver en regardant les étoiles.

    J'emporte 13 Blues For Thirteen Moons de Silver Mt. Zion pour crier mon ennui aux avions qui passent.

    Et je garde une petite place pour Hail To The Thief de Radiohead pour, euh, parce qu'il est bien.

    C'est un truc fait à la va-vite, j'aurais pu aussi prendre un pantalon avec plein de poches pour y glisser Sound-Dust de Stereolab, Blur de Blur, Songs For The Deaf de Qotsa, Yanqui uxo de GY!BE et Revolver des Beatles mais comme il n'est pas encore remasterisé, j'attendrai encore un peu avant de laisser l'eau monter.

    Sinon je trouve ça bien d'amener White Light/White Heat. C'est le disque le plus rock qu'on pouvait emmener.

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  4. Chouette article, la fin m'a plu, et m'a rappelé un article IAO :D

    Moi je prendrais, sans du tout réfléchir, Madrugada de Madrugada, le Black Album de Metallica, Blood on the tracks de Dylan, le Live At Folsom Prison de Cash, et XO d'Elliot Smith, et aussi Give it back! du BJM, The Fragile de NIN, In The Aeroplane over the sea de Neutral Milk Hotel, Bleu pétrole de Bashung, et The Funeral d'Arcade Fire, par exemple, un best-of de Simon and Garfunkel aussi, et un de Brel, et High Voltage d'AC/DC, voire A Saucerful of Secrets de Pink Floyd et The Velvet Underground du Velvet Underground, entre autres.

    Mais si j'avais droit qu'à une valise je virerais tout ça pour y foutre une téloche et quelques films. Dont un gros porno. Sur une île déserte si t'as pas un porno tu tiens pas. C'est ça l'erreur de Zemeckis dans Cast Away.

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  5. @ Rémi: C'est vrai que si Tommy Hanks avait eu un bon vieux Traci Lords illégal dans les 51 états mais totalement légal sur son île, il aurait établi une relation sensiblement différente avec Wilson, si tu veux mon avis.

    @ Duckfeeling: Tout d'abord, je suis extrêmement étonné que tu n'aies pas fait de remarque quant à mon choix d'embarquer The Joshua Tree, mais c'est tout à ton honneur de t'être retenu ! Ensuite, je confirme: White Light / White Heat est le disque le plus rock'n roll, bruyant, punk, violent, fou, et hypnotique qui soit, et il m'évite d'avoir à embarquer un album de Sonic Youth ou de Silver Mount Zion, puisqu'il les supplante en un sens. Ta sélection est chouette, mais je suis étonné par ton choix concernant l'album de Radiohead.

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  6. "White Light / White Heat est le disque le plus rock'n roll, bruyant, punk, violent, fou, et hypnotique qui soit"

    > Zut, faudrait que je l'essaie alors.

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  7. Évidemment, cet avis est du genre subjectif. Mais quoi qu'il arrive, c'est l'un des disques les plus fondateurs des musiques noise et punk, et il est sorti en 1968, en pleine explosion hippie/prog.

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  8. Pour Radiohead j'ai hésité avec Kid A et Ok Computer que j'aime, dans l'absolu, autant que Hail to the Thief. Mais celui-ci a ce côté "compilation des genres" de Radiohead qui fait qu'il serait plus adapté à une île déserte, je pense !

    Ou alors je bourlingue tout et je ne prends que Albatross de The Snobs. : )

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  9. J'ai déjà à coup sûr Lonesome Crowded West de Modest Mouse, parce qu'il m'évite d'en prendre tout un tas d'autres et qu'il est pour moi la quintessence de ce que j'aime dans ce genre-là, qu'on pourrait désigner comme le rock indé US des 90's lol. Puis surement Ocean Beach de Red House Painters, car s'il n'est peut-être pas le plus génial, il est sans aucun doute le plus hétérogène dans ce qu'a fait Mark Cosmatos. J'en voudrais mille autres, alors c'est chaud de faire des choix... :)

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  10. Puis vu ce qu'il a pris, ça me dérangerait pas des masses d'être perdu sur une île pas trop éloignée de celle de ton con de frère. :D

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  11. Tu ne prendrais pas un Flaming Lips, un Pavement et un Wolf Parade, pour compléter ?
    Voire un LP de Amédée Mozart à la place du Pavement, pour faire bonne mesure...

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  12. Non justement, quand je disais que LCW de MM me permettait d'éviter d'en prendre un tas d'autres, je faisais notamment allusion à Pavement, Wolf Parade ou Built to Spill, ce genre de trucs.

    Et si je devais me retrouver aujourd'hui tanqué sur une île déserte avec seulement des tchancles aux pieds, il se peut fort que je prenne The Soft Bulletin des Flaming Lips oui. C'est devenu un de mes disques préférés.

    Si on a le droit à du classicos, je prends une compile en 10 volumes de ce qui s'est fait de mieux depuis circa le Big Bang.

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  13. Moi j'apporte de l'eau au moulin. (comme si y'en avait pas assez autours de l'île... de l'eau).

    Bref. J'emporterais Milkman de Deerhoof, parce que je suis fan, si vous l'aviez pas remarqué. Et puis un disque de blur mais chépa lequel. Peut-être le best-of pour pas choisir... et pour Music Is My Radar, aussi. J'emporterais aussi Emperor Tomato Ketchup de Stereolab pour dire merci au disco français. Et puis, bien sûr, le premier album de Le Aids qui est parfait à écouter TOUT SEUL. C'est un peu le disque ultime de la solitude. Mais un truc qui te réchauffe le coeur. Je l'écouterais quand il pleuvra. Je m'abriterai même pas. Et puis Albatross de The Snobs. Au cas où j'aurais à faire avec des pirates. Bam !

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