Dans les transports en commun, ça n'est pas comme au volant d'une voiture, on n'écoute pas la même chose pour les mêmes raisons et de la même façon. Au volant de sa voiture, on peut se laisser aller à chanter, même faux, même fort, ça n'est pas pareil. Dans les transports en commun, on a soit envie d'un écran total à opposer au bruit ambiant, aux bruyants mendiants musicaux ou aux gens qui reniflent très fort (les pires) et dans ce cas on va choisir quelque chose de neutre, ou bien de peu prenant, voire quelque chose d'ultraviolent et dans ces cas-là, j'ai personnellement tendance à prendre le temps d'explorer plus longuement (dans de très mauvaises conditions mais c'est un test intéressant) les albums dont je compte vous parler quelques jours ou semaines plus tard en ces lignes. L'autre solution, celle que je favorise ces derniers jours parce qu'elle est encore plus thérapeutique que la simple pommade mentionnée précédemment et parce qu'en ce moment j'ai besoin de quelque chose de plus costaud qu'une pommade pour me lever le matin, consiste à s'envoyer tube sur tube, des trucs qu'on connait par cœur et qu'on peut chanter en remuant les lèvres, quitte à parfois laisser un son passer, merde aux passants. Ergo Blur.
Les besoins cérébro-riculaires ne se commandent pas et ces derniers jours c'est le parfum de ce qui pour moi évoque les années 90's qui sied le mieux. Pourquoi Girls&Boys en particulier, ce matin, et pas le Stereo de Pavement ou le Boys Better des Dandys ? Eh bien ça n'est pas seulement parce que ce morceau contient l'apogée de tout Blur (le moment où le second couplet arrive, lorsque Damon chante la profession de foi de tout ado qui se respecte "Avoiding all work" en l'ancrant dans la réalité "cause there's none available" tandis que la guitare de Graham Coxon reprend sa course saccadée. Blur n'a jamais rien réussi comme ce passage et ceci vient d'un inconditionnel de chez fanatique) mais aussi et surtout parce que Girls&Boys représente les années 90 mieux que beaucoup d'autres chansons, ou bouquins ou coupes de cheveux ou films. Son clip à l'esthétique douteuse empreinte d'un laisser-aller bienheureux communicatif, son mélange douteux lui aussi et pourtant diablement efficace de guitares et de sons électroniques, son refrain iro-cynique encensant l'accouplement qu'il soit hétéro, pédé, lesbien, trans ou échangiste DU MOMENT que les gens s'aiment, et le résumé qu'Albarn fait de la classe moyenne d'alors (qui était encore dominante et qui représentait toujours l'european dream) sur les couplets, qui se trimballe en Grèce pour les vacances, qui fait la fête et ne souffre que de petits soucis, autant de raisons de voir ré-apparaitre les 90's devant vos yeux en moins de deux. Si on les a effectivement connues, s'entend. Sinon, si vous êtes nés trop tard, sachez que cette chanson apparaissait sur l'album "Parklife", en 1994, l'une des dernières grandes œuvres populaires à présenter la société de ses auteurs dans son ensemble (pour Blur, la classe moyenne anglaise des 90's) d'une façon que l'on pourrait presque qualifier d'anthropologique si Albarn n'était pas un fin critique. Ce genre d’œuvre, dans la lignée des Kinks, du "Dubliners" de Joyce, de Lou Reed et de quelques autres grands auteurs populaires, on n'en trouve plus des masses depuis dix ans. Elles vont de pair avec des artistes qui vivent leur temps, qui content le présent de l'Histoire. Or, depuis que l'An 2000 est venu et ne nous a pas tués, nous ne vivons semble-t-il plus qu'Après l'Histoire et nos artistes vivent de leur temps et pas pour lui, ne créant plus que des oeuvres intemporelles ou, plus souvent, dénuées entièrement de la notion de temporalité. Je me demande bien ce que j'écouterai dans les transports en commun, en 2034, pour me remémorer les années 2000 ou 2010...
Joe Gonzalez
L'une des pires chansons du monde
RépondreSupprimerBel article, qui donne envie d'aimer le morceau. Par contre je l'ai écouté assez fort et au sortir du pieu (c'est le principe du réveille-matin ma foi), et au bout d'un moment avec ma compagne qui est fan on s'est regardé, j'ai osé lancer : "Putain le refrain il rend fou au bout d'un moment non ?", elle a lâché dans un soulagement : "Ouais...". Franco le refrain au bout d'un moment il donne envie d'appuyer sur stop. Mais sinon le morceau est cool hein, et surtout l'article est cool, meilleur que le morceau m'est avis !
RépondreSupprimerCe morceau est tellement accrocheur que c'en est douloureux.
RépondreSupprimerMoi je trouve ça parfait que le refrain soit gavant à force et que le morceau n'en finisse pas de le dérouler, ça participe de l'effort de description du trop-plein spermo-biens-et-serviço-nineties.
RépondreSupprimerDébile et génial. Une des meilleures pop-song anglaise jamais enregistrée, sans doute..
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