C'est entendu.

mardi 2 juin 2009

Page Blanche # -3

par Joe Gonzalez
art par Jarvis Glasses


Le ventre mou du grand Monsieur Pop ou "Des pistes pour survivre à la démocratisation du soi-disant bon goût"


Je vire roots ou quoi ? Depuis quelques temps, la moitié de ce que j'écoute se compose de reggae, de dub et de dubstep. L'une des raisons de ce revirement (j'ai longtemps considéré la musique jamaïcaine en des termes peu flatteurs) ce n'est pas uniquement l'épiphanie que j'ai eue et qui tient en une phrase : le dub (et par extension le reggae) est la meilleure musique pour bosser - comprendre "écrire" - puisque l'on peut facilement l'entendre sans l'écouter ce qui permet de se concentrer, et que contrairement à quelque chose comme l'ambient, elle est entrainante.
Non, si j'écoute autant de ces musiques, c'est aussi parce que ma matière première (la pop, le rock, la folk, vous voyez de quoi je parle) est en nette perte de vitesse, alors même que la tendance pointe largement de ce côté-là. Vous n'êtes pas d'accord ? On a parlé d'un "retour du rock" au début du millénaire, et finalement c'est plutôt d'uniformisation du rock dont on aurait du parler. Le rock est rentré dans le moule, et, si dans les années 90, il fallait s'accrocher pour entendre autre chose que boys bands, techno, comédies musicales, r&b et variétoche dans les médias, aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse qui se produit. Impossible en effet de laisser sa téloche allumée cinq minutes sans entendre au moins trois chansons pop dans des pubs, des jingles, ou même dans les programmes (émissions, films, séries...). Ainsi on entendra le Ooh la la des Faces dans une pub, le single des Naïve New Beaters dans une autre, ou l'Electric Light Orchestra dans une troisième... Sans aucune pause, les médias sont devenus une radio indé perpétuelle. La pop marche, et du coup elle prolifère.

Qui dit prolifération dit surpopulation et médiocrité. C'est inhérent au phénomène, et inévitable. Le problème devient donc de trier au milieu d'une ribambelle de mouvements ternes afin de dégager un maigre nombre de prétendants à nos coeurs. Vous allez dire que je suis rabat-joie et que je ferais mieux de me réjouir de l'élargissement de mon "monde musical" à un plus grand nombre, et je vous répondrai que je n'ai jamais été plus mal loti pour trouver mon bonheur que cette année où le phénomène a pris une ampleur gargantuesque.

Tout y passe. On a d'abord les revivals, avec en tête celui des années 90 (même si beaucoup de groupes sont censés faire revivre les années 80 parce qu'ils réutilisent le synthé à outrance). Les versants lo-fi (Wavves, Japandroids et toute la scène shitgaze) et shogaze (Pains of Being Pure at Heart, The boy least likely to, Hatcham Social...) en tête, ne cherchant pas une seconde à lancer quelque idée que ce soit, préférant pomper à mort leurs aînés déjà peu inspirés.

Les Mammouths De La Pop, eux aussi, font bien pâle figure ces temps-ci (on pensera aux albums bien pauvres de Sonic Youth, Bob Dylan, Neil Young, PJ Harvey & John Parish...).

Il y a aussi tous ces buzz vraiment incompréhensibles sur des groupes tout juste risibles, lancés par les bloggers ou les magazines, le plus invraisemblable restant celui consacré à Passion Pit...

Apparemment, tout un tas d'artistes se sont aussi dit que puisque la pop avait le vent en poupe, il était temps pour eux de mettre les voiles et de naviguer en mode croisière, sans se presser, sans se stresser, et qui nous ont sorti une belle série d'albums mous et sans aucune force de caractère, comme Andrew Bird, Pink Mountaintops, Prince, Jarvis Cocker, Jason Lytle, Camera Obscura, Bonnie Prince Billy, Condo Fucks, Sin Fang Bous ou encore Sébastien "laughing out loud" Schuller.

Heureusement quelques uns sauvent la face. Sans prendre beaucoup de risques certes, ils sont parvenus à proposer des disques un minimum intéressant, et maintiennent une notion d'espoir. Qui sont-ils ? The Dirty Projectors, The Phantom Band, Golden Silvers, The Horrors, Here we go Magic, Grizzly Bear : ceux-là et d'autres sont à suivre.

Pourquoi donc ne vous ai-je toujours pas parlé de ces groupes ? Peu d'entre eux sont suffisamment bons pour avoir titillé ma verve et surtout très peu d'entre eux sont suffisamment exécrables (pensez "Sliimy") pour que je leur consacre un "Comptez pas sur Moi". Non, la plupart sont tout juste moyens, passables...
Cela dit l'année 2009 touche à son milieu, et afin de mieux nous concentrer sur l'été à venir et en espérant franchement conjurer le mauvais sort qui touche à la musique pop depuis quelques mois, je m'en vais vous chroniquer bon nombre de ces disques, les uns après les autres, dans ce qui sera un mois de Juin consacré aux "Vise un peu".
Attendez-vous à des notes allant de 1,5 à 3, donc rien de très flamboyant (quelques 3,5 feront peut-être leur apparition à l'aune des réécoutes), mais à chaque fois vous aurez une chanson dans le lecteur et des clips, histoire de vous faire votre propre idée. Parce que je n'ai pas l'objectivité infuse et que vos avis m'intéressent, vous serez encouragés à commenter allègrement mes avis tranchés et à voter. En effet, chaque semaine paraitront plusieurs chroniques et la semaine suivante, un sondage vous proposera de choisir l'album que vous aurez préféré.

J'en profite pour vous remercier pour votre participation et vous rappeler que je suis toujours à la recherche de collaborateurs/rédacteurs, alors si vous vous sentez intéressés, envoyez moi un texte à vous.

A très vite pour le début des hostilités.

10 commentaires:

  1. C'est très intéressant ce que tu dis, je suis même assez d'accord avec toi, sauf sur les artistes "sans force de caractère" et au contraire "ceux à suivre". Pour moi un Jarvis a beaucoup plus de caractère (ne serait-ce dans ses lyricus), qu'un Here We go Magic ou de Grizzly "Spumoni" Bear, que Camera Obscura se sert bien mieux dans le genre que les Poires Golden Silver. Sans oublier les agaçants phénomènes Arcade Fire, que tu as complètement zappé, et qui correspondent pourtant parfaitement à la description que tu fais.
    Après, peut-être que simplement la musique est reflet du monde actuel, qui se contente d'un rien, et qui se donne l'impression de réagir assis dans son canapé ou devant son ordi. L'impression qu'on écoute/lit/voit des choses différentes, qui font réfléchir, la ghettoisation des ""bobos"" qui font de la musique entre eux pour eux(c'est de la musique indé, on peut même parler de cette nouvelle vague chanson française "à textes"). Je m'exclus pas de ces gens là, mais c'est en effet triste.
    Maintenant, l'histoire ne retient que les grands hommes, donc il en suffit d'un... On se rappellera plus de Gerets que de Laurent Blanc, un OM qu'un Girondin de Bordeaux. Et à ce moment là tout ce que je dis s'écroule. Il en suffit d'un!

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  2. Premièrement, j'ai "zappé" Arcade Fire pour la bonne raison qu'ils n'ont pas sorti de disque cette année (ni l'année dernière), mais ils restent (malgré le phénomène affreux de copiage dont il font les frais et qu'ils ont déclenché malgré eux) l'un des tous meilleurs groupes de la décennie, un jour tu le comprendras peut-être :D

    Je suis par contre complètement d'accord avec ton second paragraphe, et encore plus avec le troisième !

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  3. J'ai eu mal au ventre après avoir lu le commentaire de Vincent. Tu peux pas le bannir ? Il me fout mal au bide ce gars !

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  4. lamuyaniyuzimina3 juin 2009 à 14:12

    ...donc si je te suis bien, Joe, pendant le mois qui vient tu ne vas nous parler que de disques pop médiocres, c'est ça? Pas terrible comme accroche, je vais zapper C'est Entendu pendant un mois si c'est comme ça! ^^

    Sinon j'ai l'impression que tu as raison, mais faut dire aussi que le pop/rock/folk indé, ça n'est pas ce que j'écoute le plus. Du coup ça ne me touche pas trop, si ce qui sort en pop cet été n'est pas terrible, je m'en fiche, j'irai écouter ce qui sort dans les autres genres et/ou ce qui est sorti à d'autres époques...

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  5. Attention je ne vais pas parler que de disques si médiocres. Il y en aura des chouettes dans le lot, et aussi d'autres "45 tours", "Quitte ou double" et autres. Et parmi les disques chroniqués tout ne sera pas forcément pop/rock au sens méga classique du terme !
    Qui plus est, j'espère de façon honteusement égoïste que tu me lis non seulement pour en apprendre sur un artiste mais aussi pour me lire.

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  6. lamuyaniyuzimina3 juin 2009 à 14:42

    "Qui plus est, j'espère de façon honteusement égoïste que tu me lis non seulement pour en apprendre sur un artiste mais aussi pour me lire."

    > Oui, bien sûr!

    Comme sur CMO d'ailleurs, j'y viens pour te/vous lire plus que pour faire des découvertes (et s'il y a les deux, c'est parfait, mais sinon j'ai toujours assez d'autres sources sur internet pour dénicher de nouveaux disques).

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  7. Super article. Là tu fais de l'histoire de la musique. Là t'es "de ton temps". Là tu fais de l'histoire géo. Là on est dans la vérité de notre époque, guidés par ta main cadavérique. Continue comme ça.

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  8. vous ne parlez pas d'animal collective??

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  9. Au préalable je rappelle que cet article aura bientôt un an. Ensuite, j'ajoute qu'en 2009, l'album d'Animal Collective (chroniqué autre part sur C'est Entendu) n'avait pas vraiment convaincu la rédaction. Ceci explique peut-être cela.

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