C'est entendu.

mercredi 15 juin 2011

[Comptez pas sur moi] Yuck - Yuck

Yuck signifie "Beurk" et vous ne m'ôterez pas de l'idée qu'il faut tout de même être un minimum conscient d'un dégoût auto-infligé pour s'affubler d'un tel sobriquet (*). Pourtant, il n'est pas question d'un sentiment de rejet face à la nature de la musique que propose Yuck mais plutôt d'une gerbe provoquée par l'absolue dépossession d'âme qui est à l’œuvre durant chacune des 50 minutes que dure l'album.

Vous ne pensiez pas lire ça à propos de Yuck, hein ? Après tout ça n'est qu'un peu d'indie rock, à quoi Diable pouvons-nous bien nous exposer ? Et pourtant c'est le mot : "Diable". L'heure est grave, mes amis. Elle est à l'exorcisme et à l'ex-communication car le Démon a fait de ces chansons un passager et il semble m'incomber, ainsi qu'à ma confrérie d'exorcistes spirituels (que l'on nomme de nos jours chroniqueurs, bloggeurs et qui étaient encore il n'y a pas si longtemps étiquetés "critiques") de bouter le Malin hors de ces colonnes, hors de vos oreilles et hors de l'audiosphère.



(Get Away = Foutez le camp)

Ça ressemble à un petit groupe d'indie rock à la cool, et ça sonne tout comme. Mais ne vous y laissez pas prendre car ça n'est qu'une carcasse menée par Belzébuth. Qui d'autre aurait pu forcer ces quatre jeunes anglais apparemment sans défense à pirater si sauvagement l'héritage indie rock des années 90 ? S'il existe des instances telles que Hadopi pour punir le téléchargement illégal, il devrait aussi y avoir un Comité Extraordinaire aux Affaires de Vol Intellectuel non ? Le pillage en règle du patrimoine indie qui est à l’œuvre ici, certains y voient la marque de la génération internet et moi j'y vois la marque du démon. Je suis un humaniste, moi, voyez, je crois en l'humain, je suis un optimiste et je ne peux pas imaginer des êtres humains se présenter devant le public, un label ou pire leurs AMIS, avec ce genre d'entourloupe sous le bras. Comme disait Sherlock Holmes, lorsque toutes les solutions logiques à un problème ont été écartées, c'est une solution illogique, toute improbable puisse-t-elle paraitre, qui doit être la clé. J'en reviens donc à cette affaire de possession.

(C'est Daniel Blumberg qui jouait la petite fille dans l'Exorciste ou bien ?)

Avez-vous écouté ce disque ? On y entend pêle-mêle Pavement, Sparklehorse (Get Away), Sebadoh (Shook down, Suck où la guitare rappelle aussi Built to Spill), Teenage Fanclub et d'autres encore. C'est plus que criant, et c'en est épuisant. Yuck est un caricaturiste de Montmartre que l'on célèbrerait au Louvre, un Gilles Lellouche récompensé aux César, une abomination... On ne peut décemment pas laisser faire. Que les jeunes artistes élevés à Google aient des influences plus larges et imprévisibles qu'auparavant, rien de plus normal. Mais avoir eu à sa disposition une connexion à l'Internet implique aussi de n'avoir aucune excuse quant au plagiat. Lorsque l'on a tout à sa disposition (ou presque), on peut certes s'inspirer mais il convient de respecter ce que l'on sait exister. Si Yuck prétendait aujourd'hui n'avoir jamais entendu aucun disque de Pavement ou Sparklehorse, je les traiterais de menteurs ou de putain d'ignares, flemmards et de parodies de passionnés car quiconque s'intéresse à ce genre de musique au point de vouloir en jouer finit forcément par écouter un disque au moins de chacun de ces artistes, et une fois ces disques écoutés, Yuck aurait dû savoir qu'ils ne faisaient qu'en copier les gimmicks sans rien y ajouter du tout, qu'ils défaisaient leur genre musical favori de son âme et qu'ils contribuaient à le plonger dans l'oubli. Le pire dans tout ça, outre le fait que ça fait un groupe de plus qui ne se rend pas compte qu'avoir une voix et ne pas s'en servir, c'est être un véritable déchet humain, une autre marionnette inutile, c'est que Yuck a bénéficié d'une certaine promotion. La promotion du Mal est en cours et qui en est responsable ? Pas Yuck, pas ces musiciens dégénérés, enfants de Sodome, probablement à demi-inconscients de leurs méfaits. En revanche, les labels, distributeurs et autres managers qui savaient et ont non seulement laissé faire mais ont en plus délibérément choisi de participer.



(Sunday : "I've got a choice now, I've got a voice now" : un choix, une voix, il les a, mais s'en sert-il ?)

Je n'ai rien contre Yuck, le groupe. Ce que j'essaie de vous démontrer depuis tout à l'heure c'est qu'ils ne sont que des victimes sans cervelle. Si on (médias, labels...) ne laissait pas faire ce genre de récupération honteuse, personne ne s'y risquerait et eux non plus. En plus, Yuck a au moins un semblant d'âme qui lui reste. Tel l'Anakin enfoui au fin fond de Vador, le groupe tente par tous les moyens de nous inviter à la méfiance. Le nom du groupe, déjà, mais les titres des chansons, aussi (Suck, Get Away), autant de (sous)texte invitant à la prudence.


(Rubber)

Certes Yuck ne sont pas les premiers à officier dans le rôle du suppôt de Satan suceur de moelle sans originalité, mais leur manque particulier de retenue dans cet exercice, leur nom ridicule, la houpette de leur chanteur, la hype qui les entoure et le hasard ont fait qu'ils ont pris pour les autres. C'est la dure loi de notre société : la Justice est imparfaite et frappe souvent le bénin coupable pour marquer au fer une pratique généralisée et la condamner plus fort encore. "Yuck" n'est pas un mauvais album d'indie rock. Il ne fait que prouver que la notion d'Histoire a aussi un sens en Musique. Si un peintre se mettait à réaliser des portraits dans le même style que Klimt ou des paysages avec la même méthode que Van Gogh, on le taxerait de fumiste et on lui cracherait à la gueule. La musique que joue Yuck n'est certes pas mauvaise mais elle a déjà été jouée. Plus d'une fois. Et depuis au moins quinze ans. Je ne vois pas pourquoi ces quatre-là se verraient refuser le mollard facial qui leur revient.


Joe Gonzalez


(*) : Ou bien il faut être sacrément con.

6 commentaires:

  1. Ils ont un side project de chansons au piano que je trouve encore cool http://www.youtube.com/watch?v=Uz6YHgSkQE


    Enfin, c'est joli quoi.

    RépondreSupprimer
  2. Sévère mais juste ! J'avoue néanmoins sans honte avoir régulièrement écouté leur album pendant une ou deux semaines, en ayant bien conscience de ce que tu dénonces.
    Tu aurais effectivement pu aller bien plus loin dans le namedropping des groupes que Yuck copie.

    J'aime bien l'image avec Gille Lellouche :)

    RépondreSupprimer
  3. c'est vrai que Yuck ne cache pas forcément ses influences
    je ne connais pas assez bien les groupes 90s que tu cites à l'exception de TFC que j'ai pas mal potassé

    et même si j'ai fait le lien entre TFC et Yuck, en particulier sur Georgia , dans ce cas précis on est quand même pas dans la copie mais plus l'influence, après pour le reste je t'avouerai que j'en sais rien

    en revanche ce que je sais, c'est que c'est très propre au rock de passer son temps à refourguer pour du neuf de l'occasion remaquillé, mais pour moi ce n'est pas un défaut, au contraire savoir s'appuyer sur le passé pour faire qqchose de nouveau c'est cool

    prenons TFC, ils sont quand même très influencé par Big Star (et ce ne sont pas les seuls: REM, Posies, Replacements etc.) pourtant ils ont leur propre mérite

    peut être que Yuck à tes oreilles ne se décollent pas assez de référence trop pesantes, peut être parce que je ne connais pas assez bien les originaux je n'ai pas eu le même ressenti

    moi j'ai entendu un disque bancal mais attachant avec quelques morceaux vraiment super (notamment georgia qui est un très bon single)

    après je comprends qu'en ayant vécu la période, on trouve ça un peu surfait, mais bon ça fait parti de la règle du jeux et j'en conviens que Yuck était peut être pas encore mûr pour un LP sur la longueur

    RépondreSupprimer
  4. Ah oui, Georgia est plutôt cool !

    En fait Joe, tu aurais quasi pu écrire le même article sur Surfer Blood l'an passé il me semble.

    RépondreSupprimer
  5. twist > Ah mais je ne critique pas la réutilisation du passé, pas du tout ! J'avais même co-écrit un article puissamment énamouré sur le dernier album de LCD Soundsystem où je faisais l'apologie de la réinterprétation.

    Le problème avec Yuck, c'est qu'ils ne font que ressasser, sans rien amener de neuf. Du tout. Leurs sons, leurs mélodies, leurs attitudes, tout est creux et déjà-vu. C'est... dommage.


    Tank > Je ne l'avais pas fait ? :D

    RépondreSupprimer
  6. allez un peu d'honnêteté, il y a deux trois tubes indie jouissifs comme on n'en fait plus sur cet album. par les temps qui courent, c'est déjà pas mal et on en demande pas plus. pas la peine de tomber dans l'emphase négative

    RépondreSupprimer